Ce Saab 340B effectue une approche VOR sur l’aéroport d’ Okushiri au Japon.
L’équipage est expérimenté : CPT 4602 hdv sur l’avion (5144 au total) FO 2661 hdv sur avion (au total 2980). Le CPT est aux commandes. La météo est moyenne avec une visi entre 2 et 4 km mais surtout un plafond à 200 ft alors que les minimas de l’approche VOR sont de 600 ft. L’axe d’approche est décalé par rapport à la piste et il n’y a pas de rampe lumineuse d’approche.
L’équipage effectue donc cette approche avec pilote automatique et sélecte comme cible d’altitude 600 ft .L’avion descend à 600 ft et le mode maintien d’altitude s’active pour que l’avion maintienne 600 ft. La procédure normale est alors de préselecter l’altitude de remise de gaz 4000 ft ; ce n’est pas fait.
Au point de remise de gaz MAPT, l’équipage ne voit pas la piste, la météo devenant plus mauvaise que prévue et il remet les gaz (GA) le pilote automatique se met en mode remise de gaz, les moteurs accélèrent mais comme l’altitude sélectée est toujours à 600 ft, le PA et donc directeur de vol se mettent en mode maintien d’altitude (ALTS)
Le pilote aux commandes débraye le pilote automatique, l’altitude remonte mais vers 750 ft, trains et volets rentrés, l’altitude se remet à descendre, et peu après le pilote automatique est réengagé mais ce PA ne comprend plus et change de mode (VS) mais le mode reste en descente pour récupérer les 600 ft initiaux.
Mais sans butée d’altitude (mode vario pur VS sans donc de butée d’altitude) l’avion continue à descendre et vers 500 ft d’altitude = 270 ft/sol l’alarme de proximité du sol s’active (TAWS) ainsi que l’alarme de vario excessif (sink rate). Une seconde alarme de proximité du sol s’active alors que l’avion n’est plus qu’à 92 ft du sol, vitesse 213 kts.
3 secondes après, le pilote automatique est alors déconnecté et une remontée énergique est effectuée avec une acceleration de +4.1g..les manettes moteurs au tableau et les moteurs dépassent les limites. Moteurs pas inspectés à la suite de la notification de l’incident par le CPT.
Que s’est-il passé ?
Symbologie et dispositions des modes de guidage:
- à l’activation de la remise de gaz le pilote automatique est déconnecté mais les directeurs de vol sont forcément toujours vivants et commandent une assiette en descente vu que l’altitude cible est toujours sélectée à 600ft.
- le pilote aux commandes suit ces barres de tendance du directeur de vol « moustaches roses » du directeur de vol sur l’ADI ce qui explique qu’en passant 750 ft en montée il inverse l’assiette pour suivre les barres de tendance qui lui indiquent l’assiette pour rejoindre 600ft.
- le FO qui suit la manœuvre a initialement bien vu l’assiette positive mais avec sa charge de travail avec le train, volets, puissance moteur, n’a alors plus perçu le changement d’assiette progressif vers une descente; la commission d’enquête estime probable que sa perception physique est due à un effet somatogravique (confusion entre accélération vitesse et accélération pente de montée)
- le pilote aux commandes a perdu conscience des éléments de pilotage (assiette, vitesse, puissance)
- il n’a pas souvenir d’avoir lui-même réenclenché le pilote automatique, la commission d’enquête estime que c’est le FO qui l’a réengagé vers 650 ft en descente.
- la ressource a donc été d’autant plus rude que le pilote a dû aussi contrer l’effort du PA, d’où les 4 g de la ressource.
Perte de conscience de la situation par les 2 pilotes. Procédures d'annonce des modes PA/DV pas prévues par la Cie, et pas d'entrainement à l'alarme TWS.
Sur l'effet somatogravique :
L’illusion somatogravique est un phénomène qui se produit par mauvaise visibilité ou dans l’obscurité, en l’absence de repères visuels. Les pilotes chevronnés et titulaires de la qualification de vol aux instruments ne sont pas à l’abri de ce type d’illusion qui est une forme sournoise et dangereuse de désorientation. Cette illusion se produit parce que le corps humain fait appel aux organes sensoriels de l’oreille interne pour assurer son équilibre et, en l’absence de repère visuel, les signaux transmis par ces organes peuvent produire une désorientation très grave. Lorsque l’aéronef accélère, les organes sensoriels de l’oreille interne du pilote ont tendance à envoyer un signal au cerveau du pilote qui est interprété comme une inclinaison vers l’arrière plutôt que comme une accélération vers l’avant. Si le pilote relève le nez de l’avion dans le même temps, le pilote a la très forte impression qu’il est en montée. À cause de cette illusion de fausse montée, le pilote a tendance à abaisser le nez de l’avion pour descendre. L’aéronef accélère alors, ce qui risque de renforcer l’illusion. Les pilotes ne peuvent se fier à leurs sens et doivent confirmer la position en cabré de l’appareil en utilisant l’indicateur d’assiette de l’écran principal de vol (PFD).Un accident typique:
facteur-humain-stress-contraintes-du-pilote-causes-des-incid-t14685-420.html?hilit=somatogravique