Accident de Columbia du 1er février 2003Chronique d'une mort annoncée.Le 16 janvier 2003, la navette Columbia décolle du pas de tir 39B de Cap Canaveral pour une mission de 16 jours autour de la Terre.
A T+81 secondes, le cache isolant protégeant l’attache avant gauche de la navette se détache et vient heurter le bord d’attaque inférieur de l’aile gauche de Columbia.
C'est le 7ème incident de ce type durant les décollages de navettes, les six premiers ayant provoqué des dégats mineurs, mais c'est le 1er avec une aussi grande violence.
Les essais au sol effectués plus tard, montreront que le morceau d’isolant a certainement percé le bord d’attaque de l'aile gauche.
Le lendemain du lancement, le vendredi 17 janvier 2003, les techniciens de la NASA commencent à inspecter les premières vidéos disponibles et remarquent l'anomalie à la seconde 81.
Un flash très furtif apparait alors que la navette est à 66’000 pieds d’altitude et fonce à deux fois et demie la vitesse du son.
Les techniciens de la NASA et ceux de Boeing travaillent pour estimer les dégâts avec les informations disponibles.
Les tests et simulations les conduisent à faire des sessions prolongées jusqu’au weekend inclus (alors que leur management leur avait demandé de ne pas travailler et de voir tout ça lundi).
Convaincus que quelque chose de grave s’était passée, ils pensent même à un retour prématuré de la mission dès mardi.
Ils demandent à leur hiérarchie l’ouverture d’une enquête et une inspection de la navette.
L’email qu’ils ont envoyé le dimanche au responsable du Directorat du Centre Spatial Johnson à Houston demandant qu’on dise à l’équipage de faire une inspection visuelle de l’aile est resté sans réponse.
Comme rien ne bouge, un ingénieur prend sur lui de demander l’aide du Département de la Défense (DoD).
Celui-ci a des satellites espions et d’autres équipements au sol qui lui permettent d’avoir des photos de la navette en orbite.
Ces photos auraient permis de faire une analyse des dégâts. Le DoD commence à travailler sur les options possibles quand il obtient une demande d’annulation de la requête.
En effet, un manager de la NASA, a compris qu’une personne était passée par-dessus sa tête pour demander l’assistance des militaires.
Dans les notes du DoD, on voit la demande de la NASA arriver, puis elle est suivie par une annulation 90 minutes plus tard.
Un email est même envoyé au DoD pour leur dire que tout va bien avec la navette mais aussi pour leur rappeler de ne pas donner suite aux demandes qui ne viennent pas par les canaux officiels. La navette est en orbite depuis 6 jours déjà .
Le 23 janvier, le directeur des vols envoie un mail au commandant de la mission, Rick Husband et au pilote William MacCool, pour leur expliquer la situation et les rassurer sur la suite : "Les experts ont examiné la photographie à haute vitesse et il n'y a aucun souci de bord d'attaque ou de tuiles de protection.
Nous avons vu le même phénomène sur plusieurs autres vols et il n'y a absolument aucune préoccupation pour la rentrée".
Depuis les hublots, seule une partie de l’aile gauche est visible. Cette mission n’était pas dotée d’un bras télescopique capable de porter une camera. Par contre, il était possible de programmer la sortie d'un astronaute pour une inspection visuelle.
Les choses sont si bien présentées au commandant de bord Rick Husband que celui-ci se range à l’avis de ses interlocuteurs et ne voit pas l’utilité de réaliser une sortie.
A cet instant, il vient de signer son arrêt de mort et celui de son équipage.
Le 29 janvier 2003, le Département de la Défense offre encore une fois son aide à la NASA. Le bureau qui s’occupe de la sécurité des missions reçoit une proposition d’aide à la réalisation d’images de la navette.
La proposition est déclinée poliment et aucune image ne sera prise.
La veille du retour tragique, une réunion est tenue mais le problème de l’impact n’est pas à l’ordre du jour et sera à peine évoqué.
A 8:00, ce 1er février, tout est validé et la décision pour le retour est donnée par le chef de mission à Houston : ça sera un GO.
Les astronautes se filment pendant le début de la rentrée.
Le film s'arrête 11 minutes avant la désintégration.
A 8:52, l’air chaud s’engouffre progressivement à l’intérieur de l’aile et arrive jusqu’au train d’atterrissage.
A 8:53, 4 sondes de pression hydraulique des circuits de l’aile gauche tombent en panne.
A 8:58, l’équipage voit une première alarme s’afficher. Elle concerne la perte de pression dans les deux roues du train d’atterrissage gauche.
A 8:59, la tendance de lacet est si forte que le trim d’ailerons arrive à 3 degrés.
A 8:59:32, le pilote automatique de la navette commence à perdre la gestion.
A 8:59:33, le voyant Master Alarm s’allume dans le cockpit et une alarme sonore retentit.
A 8:59:46, la navette est cabrée presque à la verticale et suit une trajectoire balistique avec le vecteur vitesse parallèle au sol.
A 9:00:03, un des pilotes appuie sur un bouton pour réenclencher le pilote automatique.
A 9:00:05, les pilotes lancent des pompes hydrauliques pour tenter de pressuriser le système. A ce moment, les indicateurs de quantité et de pression sont tous à zero.
A 9:00:18, la navette se casse en deux parties qui commencent progressivement à se séparer.
A 9:00:35, la cabine se dépressurise et poursuit sa trajectoire en tournoyant.
A 9:00:53, le cockpit commence à se désintégrer.
A 9:06:21, la chute des premiers débris est rapportée par des témoins au dessus du Texas.
Les 7 astronautes viennent de trouver la mort.
Une des raisons avancées par les responsables de la NASA pour justifier leur refus d’une enquête technique était leur perception que de toute manière, rien ne pouvait être fait même en cas de découverte d’avarie grave sur la navette.
Après l’accident, une étude a été faite pour voir quelles auraient été les options.
A J+6, la NASA auraient immédiatement ordonné à l’équipage de cesser les expériences et toute activité physique afin d’économiser les consommables. Le consommable le plus critique était l’hydroxyde de lithium emporté en canettes qui absorbaient le dioxyde de carbone expiré par les occupants de la navette. En réduisant l’activité physique, il était possible de le faire durer jusqu’à J+30. L’oxygène pouvait assurer la survie jusqu’à J+31 c’est-à -dire jusqu’au matin du 16 février.
La première idée possible, aurait été la réparation en remplissant le trou avec des outils en métal ou des pièces en titane cannibalisées dans la cabine de Columbia. Le tout aurait été retenu par des sacs d’eau qui se serait congelée avec le froid de l’espace. Plus tard, cette eau aurait quelque peu protégé l’aile. Il n’y aurait eu aucun autre moyen de tester cette réparation que de réaliser une rentrée. La rentrée aurait pu se faire selon un profil modifié limitant les frictions.
La seconde option était de lancer une mission de secours. En travaillant jour et nuit et sept jours par semaine, les techniciens auraient pu avoir la navette Atlantis prête sur le pad de lancement. Ses moteurs principaux étaient montés. Son réservoir principal était déjà assemblé avec les boosters. En effet, avant même le départ de Columbia, la NASA préparait Atlantis pour une mission qui devait partir le 1er mars. En accélérant les préparatifs sans sauter aucune étape critique, cette navette aurait pu partir à la rencontre de Columbia dès le 10 février, c’est-à -dire 5 jours avant que les niveaux de CO2 ne deviennent mortels.
Atlantis aurait pu être lancée avec un équipage de quatre. Les deux pilotes et deux astronautes entrainés pour des sorties dans l’espace. Il y en avait 9 de disponibles à cette époque.
Atlantis serait revenue avec 11 personnes à son bord. Les 7 membres d’équipage de Columbia auraient été tassés dans le compartiment situé en dessous du cockpit.
Avant même le rapport final de la commission d'enquêtes, 3 membres dirigeant de la NASA sont remplacés pour leurs erreurs dans les décisions prises.
Le 26 juillet 2005, 29 mois après l’accident, le programme spatial reprend avec le lancement de la navette Discovery et 6 membres d’équipage pour la mission STS-114.
Quelques secondes après le décollage, deux vautours sont tués lors de l’impact avec le réservoir externe. Un peu plus tard, ce réservoir perd des pièces qui tapent contre la navette et endommagent une partie de son revêtement.
Une fois en orbite, une sortie est programmée pour réaliser des réparations. L’équipage reçoit des vidéos depuis le sol montrant des techniciens réalisant la maintenance et expliquant les gestes étape par étape.
La navette revient sur terre avec succès mais les vols sont interrompus une nouvelle fois pendant un an.