OK, comme je vous l'avais dit, je vais essayer de vous expliquer deux ou trois choses. Attention, il n'est pas évident que le dernier crash ait pour cause le système dont on va parler. Il y a des soupçons, mais c'est pour l'instant une hypothèse parmi d'autres...
J'ai numéroté mes interventions sur le sujet, de façon à ce que vous puissiez suivre facilement. Vous verrez, il n'y aura rien de compliqué, mais si on veut balayer le sujet complètement, il faut aborder pas mal de sujets relativement simples, s'ils sont pris séparément.
Comme avant dix jours, je n'ai pas beaucoup de temps, je vais séparer les posts. Et donc, voici le n°1.
Dans un avion, il y a quatre grandes parties:
1 - la cellule, avec la carlingue et les ailes: ça, c'est le constructeur qui fait cela.
2 - la motorisation: boulot des motoristes, qui vont respecter un cahier des charges imposés par le constructeur
3 - la partie équipements de vol et instrumentation: même chose, les fabriquants respectent les consignes du constructeur
4 - l'aménagement intérieur: là , ce sont les compagnies qui dictent leurs choix, toujours en accord avec le constructeur.
Commençons par la cellule, le corps de métier de Boeing, qui ensuite joue le rôle d'assembleur. J'englobe également dans cette parties les parties mobiles de la voilure et les trains d'atterrissage, bien que ces derniers soient aussi fabriqués ^par des "extérieurs".
Et d'abord, un B737, c'est quoi?

Cette photo n'est pas innocente: elle montre un B737-200, ancienne version, avec ses réacteurs d'origine. Regardez bien le diamètre de ceux-ci, ainsi que la garde au sol...
Et donc, nous allons commencer à nous intéresser au réacteur... Mais au fait, un réacteur, c'est quoi?
On va commencer par un réacteur simple flux, le plus ancien...

Il n'y a rien de plus simple. Contrairement à vos voitures, qui sont d'une complexité inouïe, avec des mouvements en translation (pistons) qui sont transformés en mouvement en rotation via un vilebrequin, puis adaptés à des vitesses angulaires adaptées, à l'aide de boites de vitesses, et enfin transportées vers des roues à l'aide de cardans, dans un réacteur, il n'y a qu'un type de mouvement, la rotation. Et finalement peu de pièces mobiles, ce qui explique des longévités exceptionnelles, plus de cinquante fois par rapport à un moteur à pistons.
Prenez un tube, et placez un arbre de transmission à l'intérieur. Fixez, à l'intérieur de ce tube, à l'avant, une hélice et à l'arrière, relié par votre arbre de transmission (un simple axe), une hélice plus petite, à peu près la moitié du diamètre du tube, avec une bonne résistance aux températures élevées. On va appeler l'hélice avant un compresseur, et l'hélice arrière, une turbine. Pour un meilleur rendement, on va placer deux ou trois compresseurs à la suite et idem pour les turbines. Ça va jusque là ?
OK, entre les compresseurs et les turbines, on va ajouter une chambre de combustion, simple espace du tue un peu renforcé, on y met un tuyau relié au réservoir de carburant, et juste après l'arrivée de carburant, un allumeur (souvent unallumeur, une grosse bougie d'allumage. Et pour plus de sécurité, on en colle une seconde.
On y est presque. Après, ce qu'il faut, c'est faire démarrer le bouzin... Pour cela on place un moteur électrique avec un bête engrenage qui le relie à l'arbre de transmission, avec un engrenage sur l'axe. En plus, plus tard, le démarreur va servir de générateur électrique... On relie le démarreur à une batterie.
Ce coup-ci, on y est... Vous êtes prêts? Une dernière chose, dans un réacteur, on compte en pourcentage, par rapport au régime nominal...
Allez hop,, c'est parti, on fait démarrer! On connecte la batterie, ça alimente le démarreur et notre moteur commence à tourner. L'important, c'est que cela tourne dans le "bon" sens, c'est à dire que le flux d'air aille de l'avant vers l'arrière...
5%, 10%, ça accélère doucement...
A 20%, on enclenche les allumeurs.... Clack, clack, ça s'entend bien...? Sacré voltage, de beaux éclairs...
A 25%, on ouvre tout doucement l'arrivée carburant...
Et là , hop, ça s'enflamme! Comme le flux d'air est bien installé, il y a détente et le volume augmente fortement et est éjecté vers l'arrière, dans le sens du flux d'air général. Et au passage, cela entraine la turbine, qui transmet son énergie au compresseur, placé devant, par l'intermédiaire de l'arbre, et le compresseur entraine alors le moteur, le faisant lui aussi accélérer...
Et on continue à mettre un peu plus de carburant... La combustion est plus importante, la détente aussi, et l'énergie transmise à la turbine continue à augmenter. Et forcément, le compresseur accélère lui aussi.
A 50%, on coupe le démarreur électrique, qui lui, n'en peut plus!
Et on continue à augmenter le débit d'arrivée de carburant, jusqu'à arriver à une vitesse de rotation de 100%.
Et là , derrière, ça "pousse" fort! Oui, mais... Vous avez de l'air expulsé à grande vitesse, une petite partie de cette énergie est utilisée par la turbine. Sauf que cet air est chaud, très chaud... Vous avez certes un engin de propulsion, mais aussi un magnifique sèche cheveux! Rendement énergétique catastrophique...
Il y a un autre point délicat: c'est la température à la sortie de la chambre de combustion, et qui impacte donc la turbine, en particulier la première des turbines... Sur les premiers réacteurs, la résistance des matériaux permettait une température d'environ 500°C. On ne pouvait donc pas mettre trop de carburant, sous peine de faire tout fondre. Donc, puissance moteur limitée. D'où, en particulier, les quatre moteurs sur B707, voire les huit moteurs sur les bombardiers B52. Mais ça, c'était avant. Et en plus, le coup des B52, ce n'est pas rigoureusement exact. Mais nous allons en reparler.
Retenez bien cette température turbine qui fout la m... On va la surveiller, celle-là .

Mais déjà , vous comprenez pas mal de choses:
- si on balance d'un coup une grande quantité carburant, comme le flux d'air n'aura pas eu le temps d'accélérer, il va se créer un "bouchon" thermique et une partie du flux d'air va se barrer vers l'avant. Sauf que le compresseur, ljui, il n'est pas prévu pour résister à de fortes températures. Les connaisseurs disent que le réacteur "pompe"... Un ou deux pompages et vous jetez le bouzin.
Sur les premiers avions à réaction, il y avait un dispositif à ressort, puis hydraulique, qui "empêchait" le pilote de balancer trop de gaz d'un coup... Le dispositif était sommaire, mais au moins, les réacteurs n'explosaient pas en vol!

Ne croyez pas que je me disperse, la compréhension de tout ceci vous donnera les clefs. La suite prochainement...
Et donc, depuis l’autre hémisphère, on continue….
Vous vous souvenez, dans le post 1, je vous ai parlé de température à l’entrée de la turbine. Une autre chose qui caractérisait ces premiers réacteurs, qui font penser à des sèche-cheveux, c’est que tout le flux d’air qui en sortait était du flux « chaud »… On disait que le taux de dilution était de un. On va y revenir… Mais quelle perte d’énergie, sous forme de chaleur évacuée…
Mais la technologie a évolué, principalement en résistance des matériaux, vis-à -vis de la chaleur. Et donc, on conçoit des turbines qui supportent de plus grandes températures au point d’impact. On atteint, fin des années 60, une température limite de l’ordre des 600 à 650°C. On va donc pouvoir avoir des chambres de combustion plus puissantes, en injectant pus de carburant. Et là , va commencer la révolution du réacteur : plutôt que de continuer à utiliser ce surplus de puissance pour balancer encore plus d’air chaud dehors, on va utiliser ce surplus d’énergie pour la récupérer avec une plus grosse turbine, et récupérer cette énergie pour faire tourner une espèce d’hélice (on dit soufflante) que l’on va placer à l’avant du réacteur, le tout entrainé par un arbre secondaire.

Et on se retrouve avec un réacteur « double flux », avec un flux d’air chaud, celui de notre ancien réacteur, et un flux d’air froid, celui qui passe à l’extérieur de ce dernier, mais qui reste dans une autre enveloppe, qui englobe le tout. Sur le schéma ci-dessus, on voit que le flux d’air froid est sensiblement le double du flux d’air chaud. On dit que le taux de dilution est de 2. Ce type de réacteur est celui qui a équipé les B737 comme celui que vous avez sur la première photo du post précédent… Lr diamètre de la soufflante était malgré tout réduit, et donc celui du réacteur aussi. Les réacteurs du B737 de l’époque tenaient largement sous les ailes…. La consommation, par rapport à un simple flux, était fortement diminuée (environ 30%). Et en plus, comme le flux d’air était plus important en volume mais que la vitesse d’éjection était moins forte, le bruit était diminué…. Un peu…
Jusque là , tout va bien...