24 avril 1924 : Pelletier-Doisy, dit Pivolo, s’envole pour Hanoï Le lieutenant Pelletier-Doisy, surnommé
Pivolo, est un pilote confirmé lorsqu’il reçoit, à 32 ans, l’ordre de mission qu’il avait sollicité lui permettant de rallier Hanoï en onze étapes : Budapest, Constantinople, Alep, Bassorah, Bander-Abbas, Karachi, Âgrâ, Calcutta, Akyab, Bangkok et Hanoï. Et si possible, pour le prestige, « pousser » jusqu’en Chine et au Japon, pour faire aussi bien et même mieux que les Américains et les Anglais, engagés à la même époque dans une course aux records aériens.
La France ne veut pas être en reste et, considérant d’intérêt national une liaison aérienne entre la métropole et l’Indochine, le ministère de la guerre valide le projet défendu par Pelletier-Doisy.
Le sergent Lucien Besin, mécanicien de valeur et ayant un goût prononcé pour l’aventure, suit la construction du moteur et du Breguet de A à Z. Il embarque notamment une hélice de rechange, des pompes à essence, des magnétos, des pneus.
Il s’envole de Villacoublay le 24 avril 1924 à 6 h 45. Il lui faut 120 heures de vol effectif (moyenne 168 km/h) pour rallier Tōkyō. Il se pose le 9 juin à midi sur le terrain de Tokorosawa près de la capitale japonaise où il est accueilli par une foule considérable, par Paul Claudel, ambassadeur de France et par un pilote japonais, le baron Kiyotake Shigeno, qui avait participé au premier conflit mondial au sein de l’escadrille des Cigognes.
L’avion est un Breguet XIX A2, sesquiplan, entièrement métallique sauf les ailes entoilées, équipé d’un moteur Lorraine-Dietrich de 400 chevaux lubrifié à l’huile de ricin (jusqu’à Karachi, puis avec une huile plus lourde après cette étape indienne pour tenir compte de la température élevée). Ce bombardier sera adapté au raid par l’adjonction de trois réservoirs supplémentaires, soit une capacité totale de 940 litres de carburant. Il pèse environ 1.300 kg à vide et 2.700 kg à pleine charge, consomme 70 litres d’essence à l’heure avec une autonomie de 2.000 kilomètres environ. Son moteur, tournant à 1.500 tr/min, lui permet une vitesse de croisière de 150-180 km/h.
Convaincu par les qualités de l’appareil, Pelletier-Doisy se contente de courtes séances d’essais avant le grand départ. Le Breguet est baptisé Jacqueline, prénom de la fille de l’aviateur, alors âgée de quelques mois.
Cet avion achève sa carrière à Shanghai, où Pivolo s’est posé en catastrophe, moteur en panne, ne pouvant éviter un fossé au milieu du terrain.
De Shanghai à Tokyo, Pelletier utilise un Breguet XIV, moteur de 300 chevaux, prêté par le colonel Tsou, commandant de l’aviation du Tché-Kiang.
Péripéties de vol :
Vol diurne uniquement, à vue, sans T.S.F. pour économiser du poids.
- Pluie et neige, brume : Pelletier-Doisy se pose dans un bourbier à Alep. Son avion fait trois « cheval de bois » (équivalent d’un tête à queue pour une automobile) avant de réussir son décollage.
- Chaleur aussi : l’eau du radiateur se vaporise (étape Calcutta-Rangoon), des pneus éclatent au décollage (Bender-Abbas) ou en vol (Calcutta-Rangoun). Ce qui impose des atterrissages très courts, sur une roue…
- Déchirure de la toile de l’aile supérieure droite entre Karachi et Agra.
- Le moteur du Breguet 19 est changé à Hanoï, terme initial du raid.
- 16e étape : atterrissage d’urgence et crash à Shanghai. Le moteur, calé, ne permet pas à Pivolo avant de se poser de faire un tour de reconnaissance du terrain, en fait un champ de courses parsemé de tombes et coupé par un fossé où l’avion se disloque.
- 19e étape : atterrissage moteur en panne à Hiroshima.
- De Shanghai à Tokyo, le sergent mécanicien Besin voyage à l’air libre à l’arrière du Bréguet 14. Le confort, après 12.000 km effectués dans la « cage » du « Jacqueline ».
La légende veut que son surnom de Pivolo lui vienne de ses élèves auxquels il s’adressait en donnant ce conseil : « Ecoute bien ton moteur et puis vole haut ! », ce qui, en français courant, pouvait se traduire par : « Et py vol’ haut ! »