Crocell a écrit:
Quand elle est du fait du contrôleur, je peux la comprendre ... Du fait des pilotes c'est plus dur : tu as eu la clearance ou tu ne l'as pas eu ... si tu -crois- l'avoir eu, c'est qu'il est temps de la faire confirmer
Il y a pas mal de boulot dans un cockpit à l'approche de l'alignement et du décollage.
Un briefing avant décollage (qui sert à pré-activer la mémoire de travail, donc il faut le faire au plus proche du décollage), certains systêmes à manipuler (parfois les systêmes de dégivrage, des réactualisations de performances, etc), une coordination avec la cabine, qui doit avoir terminé ses démonstrations, vérifications, une check-list avant décollage, et beaucoup d'interruptions de tâches de la part du contrôle ATC qui t'a transféré plusieurs fois de fréquence, donné des instructions de roulage, parfois contradictoires, etc.
Bref, sans le savoir tu arrives parfois au point d'arrêt mentalement "épuisé", tu as consommé beaucoup de ressources mentales, et tu es donc très fragile vis-à -vis du risque d'erreur.
Le roulage est une des phases les plus difficiles, ça parait idiot quand on est en aéroclub et qu'on pratique des terrains "simples", mais à l'issue d'un roulage à CDG, Londres, Francfort ou Madrid, on est littéralement épuisé, c'est une phase très chargée.
Alors on essaie de limiter ce risque d'erreur, en mettant au plus tôt (et donc le plus loin possible de la piste) les actions qui peuvent l'être, annonces passagers, vérifications des commandes de vol, etc.
Mais il reste encore une grande part de charge de travail et d'interruptions de tâches au roulage.
Si 3 pilotes avaient été coutumiers des alignements sans autorisation, on aurait pu dire que ce sont des nuls et puis basta. Mais non, ça touche tellement de monde qu'on ne peut pas rejeter ça sur des personnes, c'est qu'il y a un dysfonctionnement lié à la structure même de l'opération de roulage et de son interface avec l'environnement, l'ATC, etc.
D'où tous les travaux entrepris.
A Air France, par exemple, mais comme dans beaucoup d'autres compagnies, nous insistons beaucoup sur le fait qu'une autorisation de pénétrer sur une piste, que ce soit pour le décollage ou pour la traverser, doit avoir été entendue et comprise par TOUS les pilotes sans ambiguité, que si un seul a un doute on s'arrête et on fait répéter.
Mais il est sûr qu'avec la fatigue, les interruptions de tâche, etc, un jour cette "plaque de Reason" ne fonctionnera pas et qu'on s'approchera de l'accident potentiel.
Des barres rouges et des feux verts, oui c'est une très bonne solution. Mais il y a très peu d'aéroports équipés, et parfois la signalisation lumineuse est surpassée par des contrôleurs qui donnent l'autorisation alors que la barre est rouge.
Bref, la parade totale n'existe pas encore, mais ça viendra (déjà des EFB avec positionnement GPS de l'avion sur la fiche de roulage, ça aide beaucoup, surtout par mauvaise visibilité, ou alors quand les taxiways sont numérotés en dépit du bon sens et très mal indiqués, comme à CDG par exemple).