J'avais déjà évoqué le projet Island Airlines mené par l'homme d'affaires Bill Ravel.
Sa demande de licence avait été implicitement rejetée par l'administration polynésienne par l'absence de toute réponse.
Le porteur de projet s'est donc adressé à la justice pour forcer le pays à répondre positivement à sa demande dans la mesure où son dossier répond en tout point à la législation en vigueur.
Pour mémoire son projet consiste à mettre en œuvre un Embraer E-175 et desservir les principales destinations d'Air Tahiti, les plus rentables, comme les îles sous le Vent, (Bora Bora, Raiatea), mais aussi les destinations majeures des autre archipels. A l'international, ce sera Rarotonga, déjà desservir par Air Tahiti et les Samoa(Apia).
Il y a quelques années, l'empereur de la perle, Robert Wan avait créé la compagnie WanAir avec un Bercy 1900 et un Dornier DO328 et desservait les mêmes destinations avant de jeter l'éponge.
Simple avis personnel, oui à la concurrence, c'est une très bonne chose, par contre quand le gâteau est petit, le partager en deux, peut être une erreur.
Island Airlines bien entendu ne s'intéresse qu'aux lignes rentables et pas à celles relevant du service public et donc déficitaires où Air Tahiti effectué une péréquation.
Ci-dessous l'article complet.
PAPEETE, 2 octobre 2018 - Dans 15 jours, un nouveau concurrent à Air Tahiti pourrait obtenir sa licence de la justice... Le rapporteur public du tribunal administratif a conclu mardi en faveur de l’annulation d’une décision implicite de rejet opposée par le Pays à la société Islands Airline pour une licence de transporteur aérien en Polynésie française. Le jugement sera rendu le 16 octobre prochain.Une décision judiciaire attendue sous quinzaine pourrait être à l’origine d’un bouleversement de l’organisation du transport aérien interinsulaire au fenua dans les prochains mois.
Le tribunal administratif est saisi depuis le 20 février dernier d’une requête de la société par actions simplifiée Islands Airline demandant l’annulation de la décision implicite par laquelle la Polynésie française a rejeté sa demande de licence en qualité de transporteur aérien. Elle demande aussi d’enjoindre le Pays, sous astreinte, de lui accorder cette autorisation d’exploitation dans un délai de 15 jours suivant la décision à intervenir.
Le rapporteur public du tribunal administratif a présenté mardi à l’audience des conclusions favorables à la requête de la compagnie aérienne. Si le jugement attendu le 16 octobre prochain devait suivre l’argumentation du représentant de la juridiction administrative, comme très souvent, le Pays serait contraint de délivrer une licence d’exploitation à cette concurrente d'Air Tahiti dès novembre prochain. Dans cette hypothèse, Islands Airline annonce être en mesure d’opérer ses premiers vols avant la fin de l'année 2019.
L’offre d’Islands avait été dévoilée en septembre 2017. Cette société détenue par l’homme d’affaires Bill Ravel veut mettre en place des vols commerciaux réguliers entre Tahiti, les îles Sous-le-vent, les Marquises et les Australes, a des prix "entre 15 % et 20 % inférieurs" à ceux pratiqués par l’opérateur historique. Des vols opérés à bord d’aéronefs à réaction plus rapides que les ATR d’Air Tahiti. Des avions Embraer E-175 de 78 sièges, avec une configuration de cabine en classe économique et classe affaire.
Quatre vols quotidiens sont prévus à destination de Bora Bora, deux à destination de Raiatea, un vers Huahine, et un vol journalier vers Rangiroa aux Tuamotu. Parallèlement, la compagnie aérienne prévoit d’effectuer trois vols hebdomadaires vers Tubuai aux Australes, vers Nuku Hiva aux Marquises et à destination de Hao (Tuamotu). La compagnie envisage également l’ouverture de routes aériennes directes vers les îles Cook (Rarotonga) et vers Apia, aux Samoa.
Un investissement de 7,5 milliards Fcfp est annoncé par Islands Airline depuis septembre 2017. L’activité devrait nécessiter l’embauche de 150 personnes.
Le rapporteur public du tribunal administratif a constaté que la société Islands avait fait sa demande de licence de transporteur aérien le 21 octobre 2017, en présentant un dossier en conformité avec les conditions financières, techniques et juridiques imposées par l’arrêté du 2 mai 2000 et la délibération du 5 août 1999 fixant le cadre réglementaire des autorisations pour exercer l’activité de transporteur aérien public en Polynésie française. Le fait pour l’administration du Pays de ne pas avoir donné de suite à cette demande de licence passé un délai de deux mois est analysé comme une décision implicite de rejet. Décision implicite que le rapporteur public considère comme une erreur manifeste d’appréciation.
Surtout, le représentant de la juridiction administrative a estimé que cette attitude de l’autorité publique trahissait "une volonté de protéger les intérêts" ou pour le moins "le peu d'empressement à mettre un terme au monopole de fait" de l’opérateur historique Air Tahiti, alors qu’une loi du Pays promulguée en février 2016 établit le principe général d’une politique des transports publics interinsulaires animée par "une situation de libre concurrence entre opérateurs".
L’arrivée aujourd’hui très probable d’une nouvelle compagnie aérienne s’attaquant de front à la part la plus rentable de l’activité d’Air Tahiti devrait contraindre le Pays à revoir sa copie en profondeur dans le secteur du transport aérien domestique. Il s'agit de garantir la desserte aérienne de dizaines de destinations, notamment aux Tuamotu et aux Marquises, dénoncées comme déficitaires par Air Tahiti et assurées malgré tout grâce aux excédents comptables réalisés en grande partie sur les lignes Raiatea, Bora Bora et Rangiroa. Cette "péréquation maison" gérée par Air Tahiti pourrait être remise en question et externalisée. L’adoption d’une délibération fixant les obligations de service public dans le domaine de l’aérien interinsulaire, attendue depuis plus de deux ans, devient aujourd’hui plus que jamais nécessaire pour encadrer l’arrivée prochaine d’Islands Airline.
"Dans la pratique l’ouverture à la concurrence a du mal à se concrétiser" (Me Mourad Mikou)
Un nouvel espoir pour la compagnie Islands Airline
Trois questions à l'avocat de la société Islands Airline
Comment analysez-vous l’attitude du Pays dans ce dossier ?En tant qu’avocat, je l’interprète comme étant juridiquement infondée, dans la mesure où une loi du Pays datant de 2016 a ouvert à la libre concurrence l’exploitation du secteur des transports aériens pourvu que les conditions juridiques, techniques et financières prévues par les textes soient respectées par les opérateurs. A partir du moment où ces modalités sont respectées, il y a lieu d’octroyer les licences, parce que nous sommes dans un monde ouvert à la libre concurrence. Donc, j’interprète ce refus initial comme une certaine frilosité – comme on a pu le constater dans d’autres secteurs d’activité –, alors même que le législateur polynésien avait eu le courage politique d’ouvrir ces marchés à la concurrence. On constate pourtant dans la pratique que cette ouverture à la concurrence a du mal à se concrétiser. Et c’est bien souvent grâce au tribunal que l’on force les portes et que l’on parvient à déverrouiller ces secteurs, lorsque les portes se trouvent fermées politiquement.
Huit mois d’attente avant l’audience de ce matin… Le temps a été long ?Effectivement, surtout que l’on avait sollicité la demande de licence le 21 octobre 2017. Nous sommes aujourd’hui le 2 octobre 2018. Le délibéré est attendu sous 15 jours. En réalité nous aurons attendu un an depuis le dépôt de la demande de licence de transporteur aérien. Et nous sommes confiants aujourd’hui dans l’issue qui sera faite à notre demande. (…) Les conclusions du rapporteur public tranchent sans aucune hésitation pour l’octroi de la licence à la société Islands Airline. Le rapporteur public considère que le dossier présenté par la société était complet et conforme juridiquement, techniquement et financièrement. Et qu’il n’y a donc aucune raison valable de s’opposer à cette demande, comme le fait la Polynésie depuis plusieurs mois maintenant.
Il estime aussi que le refus d’octroi de la licence pouvait être considéré comme un détournement de pouvoir en plus d’être une erreur manifeste d’appréciation commise par la Polynésie française.
Dans l’hypothèse d’une entrée en activité d’Islands Airline, la compagnie n’envisage de desservir que des lignes rentables. Sera-t-elle en mesure de se plier aux futures obligations de service publiques prévues par la loi de 2016 ?Bien évidemment. La place est prévue pour répondre à ces futures obligations de service public. Mais encore faut-il en fixer les contours. A ce titre, la société Islands Airline sera associée aux discussions en cours entre le gouvernement et la société Air Tahiti pour déterminer ces OSP.
Tant qu’il n’y a pas d’obligations de service public déterminées par le Pays, il n’y a pas de crainte à avoir. Il ne faut pas préjuger.
Rédigé par Jean-Pierre Viatge