En vrac, à propos de « Automatisation et SPO ». 1/2 L’automatisation a commencé très tôt, puis s’est développée pour éviter au pilote des périodes de pilotage manuel fastidieuses, essentiellement tenue de trajectoires rectilignes. A l’époque il n’y avait pas d’ambigüité sur le terme « pilote », il s’agissait à la fois de capacité manuelle à manœuvrer les commandes en maîtrisant la mécanique du vol de l’appareil en cause, et de compétence pour conduire le vol dans un contexte. Le copilote avait les mêmes caractéristiques mais « en moins bien », par moindre expérience, plus ou moins en formation par le plus ancien. Celui-ci était le Capitaine seul maître à bord. L’aventure transatlantique à pistons a créé un mythe du pilote superman, cette notion subsiste assez largement dans les esprits, au moins occidentaux. La technologie a permis de simplifier les tâches de communication et de navigation, puis de contrôle des machines et systèmes, pour les reporter sur un équipage à deux. De façon assez évidente on a conservé les postes de pilote et copilote, l’état technologique ne permettant pas un pilote et un « mécanicien-électronicien-informaticien » capable de « sauver la barque » avec l’aide du sol en cas d’incapacitation du pilote. De plus se posait la question, qui subsiste, comment acquérir l’expérience permettant d’être « pilote » ? Avec l’accroissement du trafic, la multiplication des routes et des aéroports, l’extension des horaires et la volonté de régularité, la recherche d’économies, et le souci de la sécurité, l’automatisation s’est développée bien au-delà de l’objectif de soulager le pilote, lui créant de nouvelles charges de travail d’un genre différent dans la gestion des automates variés imaginés et implantés par couches et touches successives. En même temps s’est perpétuée la philosophie du recours à l’humain en cas d’insuffisance des automates. D’où l’effet pervers, à mesure que l’automatisation se perfectionne et se fiabilise, en cas de problème l’humain doit traiter des situations de plus en plus rares, complexes et difficiles. Alors même que l’excès de confiance dans l’automatisme augmente l’effet de surprise, après avoir favorisé la perte d’entraînement. On ne devrait (rationnellement) pas construire un système sur le concept qu’un humain prenant (subitement) la relève d’une machine (défaillante) ne commettra pas d’erreur. Ce transfert ("reprise en mains") ne doit exiger du partenaire humain, ni actions physiques anormales, ni éclair d’intelligence supérieure. Le processus doit être progressif ; « sauter sur les commandes » est à éviter, il vaut mieux (pouvoir) comprendre d’abord la situation. Partager les tâches entre deux personnes formées au même métier, certifiées selon des règles strictes, pouvant facilement prétendre à une compétence identique, n’est pas chose facile. L’IHM, entre humain et machine accapare beaucoup, l’IHH mérite tout autant d’attention, mais ne peut être abordé d’une même façon relativement scientifique. Le CRM est imposé mais bien mal pratiqué si l’on en croit les résultats. L’ »invention » des postes PF et PM a plutôt compliqué les choses puisque le PM conserve des tâches de conduite. Le partage a tendance à accroître la charge de travail. Les accidents ne manquent pas où le nombre de qualifiés pilotes en charge d’une fonction supérieur à 2 n’a pas réussi ; parfois un « passager » sauve la situation. L’augmentation de la charge de travail est certaine dans les phases en zones terminales, surtout en approche. La raison en est l’augmentation du trafic avec pour conséquences la multiplication des procédures et la complexité du contrôle de circulation. Les moyens et méthodes des ATM/ATC n’ont pas vraiment évolué en cohérence avec la densité du trafic et les exigences de sécurité et d’économie. En approche le pilote est en fait le contrôleur, et les automates embarqués sont mal adaptés aux trajectoires complexes et changeantes qu’il impose. On peut espérer que NextGen et SESAR, en cohérence avec la génération post A350/A400M changeront cette perspective. En particulier une sorte de CDM peut se créer entre le contrôle et un essaim en approche. Un traitement automatique des échanges, qui recevra surement l’étiquette d’intelligence artificielle, s’imposera. L’homogénéité et la cohérence du système complet sont indispensables. Avec des calculateurs (ordinateurs) de plus en plus puissants et miniaturisables l’automatisation a débouché sur la robotisation. Le concept d’avion-robot n’est pas neuf mais il devient crédible, le robot-transporteur (aérien) de voyageurs est à l’ordre du jour. Tout ce qui est évoqué sous « intelligence artificielle » est supposé le rendre possible, complètement « autonome ». Il ne faut pas se faire d’illusions, la rame de métro automatique est au degré zéro d’autonomie. Le transport commercial en commun de passagers est une affaire humaine et ne peut être confiée uniquement à une machine « autonome » limitée à des programmes enregistrés. Il ne s’agit pas de transformer des paquets de carottes en boîtes de conserve livrées par « drone ». Ne sont réellement autonomes que des missiles. Tous les autres systèmes « sans » pilote (à bord) sont en réalité sous le contrôle permanent d’un opérateur-décideur. Ce dispositif peut gérer quelques appareils à l’autre bout du monde, mais ce n’est pas transposable à quelques 20 000 avions de transport de passagers.
En vrac, à propos de « Automatisation et SPO ». 2/2 L’avion tout automatique aura les capacités d’un drone autonome, mais son contrôleur ultime sera à bord. Il reste tout de même le mieux placé pour apprécier la situation ! Cette autonomie ne sera accordée qu’à un « robot » ayant assimilé une très grande quantité de situations avec leur solution, à l’issue d’une longue période de « double commande ». L’avantage d’une telle machine sera d’assimiler, via des transferts informatiques, toutes les expériences vécues par toutes les machines employées simultanément. Pour que ce contrôleur ultime soit bien qualifié il lui faudra être très expérimenté, c'est-à -dire avoir suivi assez de vols automatisés en « vivant » ce que fait la machine, laquelle devra constamment s’expliquer, ce qu’elle ne fait guère aujourd’hui. Pourquoi toujours plus d’automatisation ? D’une génération à l’autre la sécurité s’est considérablement améliorée ; à la base grâce à une plus grande fiabilité matérielle, à une maintenance plus stricte. Une grosse part d’amélioration est due au processus d’exploitation des accidents et des incidents (d’abord les enregistreurs sauvegardés, ensuite les enregistrements systématiques, maintenant exploités avec les méthodes « big data »).L’information circule désormais par des réseaux internet, chacun peut lire les confessions recueillies par la NASA par exemple). Le rôle de la simulation ne doit pas être oublié. L’automatisation a contribué à cette sécurité avec les diverses protections et alarmes évitant CFIT et perte de contrôle. Le pilote automatique est plus précis (donc économe), infatigable (et obstiné), aux ordres (coupure possible), sans émotions ni états d’âme quant à l’issue. Informatisé il peut apprendre toutes sortes de manœuvres (abriter toutes sortes d’automates). Travaillant sur des paramètres précisément quantifiés il lui manque la flexibilité de l’humain qui reste dans les approximations acceptables. C’est donc une amélioration de la performance d’ensemble qui pousse à automatiser (on y inclut des automates agissant et des automates informant). La technologie déjà disponible permet d’imaginer de confier à un robot l’exécution logistique d’un vol « gate to gate » pourvu que le vol ne soit pas trop « anormal ». N’entrons pas ici dans le détail ! Mais on n’est pas sorti du recours à l’humain en cas d’imprévu (ce qui n’a pas été programmé). Après les machines destinées à aider l’humain, c’est au tour de l’humain d’aider les machines. En revanche la gestion des passagers est une affaire humaine ; avec des centaines d’individus enfermés jusqu’à vingt heures il faut à bord un dispensaire et une prison, donc un magistrat. La perspective d’un vol tout automatique évoque l’avion « sans pilote », concept dont on vient de voir la vacuité. Au-delà de la technique et de l’économie on pourrait développer les aspects juridiques, éthiques et sociétaux qui impliquent (pour nous, d’autres civilisations proches ou futures pourraient fonctionner autrement) la présence physique à bord d’un responsable des passagers. En fait cette capacité robotique donne la possibilité d’effectuer des portions de trajet en « mode drone » sur les longs parcours, tout l’équipage technique étant au repos, sous une surveillance à distance. La meilleure gestion de la fatigue, l’adéquation au rythme circadien, peuvent permettre de réduire le nombre de pilotes nécessaires, avec une économie notable, sachant qu’un long courrier demande en moyenne plus de douze pilotes à la compagnie. Quid du SPO ? Le SPO est autorisé en transport commercial dans certaines limites d’effectif et de durée. Qu’est-ce qui empêche d’étendre ces limites ? Quelles sont les véritables différences avec de plus gros porteurs ? Au-delà de ces aspects immédiats la demande ou la pression pour le monopilote a comme source principale la pénurie de pilotes. Introduire le monopilote comme une réduction du nombre à bord d’appareils des générations actuelles est sans espoir, on ne peut l’envisager que par une conception a priori permettant à un seul opérateur de « tout » faire (correctement). La technologie disponible est capable de remettre le pilote dans les conditions CAVOK en toutes circonstances (horaire ou météo), la réalité augmentée permettant « see and avoid », les interfaces se limitant à l’utile du moment, les procédures du contrôle étant simplifiées par l’anticipation. Mais cela ne signifie pas pour autant l’unicité de l’opérateur dans le cockpit. Au contraire c’est la possibilité de doubler le poste en établissant une sorte de redondance (… et en laissant place au « stagiaire », un « dual channel » pédagogique). On peut certes imaginer de parer à la défaillance (incapacitation) d’un opérateur unique par un programme de rapatriement strictement autonome, mais ce n’est valable qu’au prix d’une perturbation du trafic (trajectoire prioritaire) difficilement admissible avec la fréquence du phénomène (probabilité multipliée par le trafic).
_________________ l'humain n'est pas sur, la machine est stupide
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