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Son nom est à jamais lié à l’affaire Air Cocaine. Christophe Naudin, 57 ans, s’est fait connaître du grand public comme l’un des organisateurs, en 2015, de l’exfiltration de la République dominicaine de deux pilotes impliqués dans un trafic international de drogue, l’affaire Air Cocaine. Ce spécialiste sulfureux de la sûreté de l’aviation, également criminologue, avait ouvertement revendiqué son implication dans cette opération qui lui avait valu un mandat d’arrêt international.
Arrêté en Afrique en 2016, il a été extradé vers la République dominicaine pour y purger une peine de cinq ans de prison. Extradé vers la France puis libéré pour raisons de santé courant 2018, Christophe Naudin a pris la tête de sa propre association, (IN) Justice (ancienne Association pour l’accompagnement des Français à l’étranger, détenu arbitrairement ou indûment).
Êtes-vous surpris par l’évasion lundi de Carlos Ghosn du Liban, alors qu’il était assigné à résidence au Japon?
CHRISTOPHE NAUDIN. Non et je l’appuie pleinement. Cette opération est le seul moyen pour Carlos Ghosn d’échapper à un système judiciaire archaïque. Il se met dans les meilleures conditions pour pouvoir se défendre, ce qui n’était visiblement pas le cas au Japon sous surveillance policière.
Aurait-il pu choisir de venir en France qui n’a pas d’accord d’extradition avec le Japon?
Oui, il aurait pu le faire, en l’absence de tout accord d’extradition entre les deux pays, mais il ne l’a pas fait et à juste titre, je pense. Il a fait un bon calcul politique en choisissant le Liban, le pays où il a des liens et où il est apprécié. Il a compris que la France faisait peu pour aider ses ressortissants qui avaient du mal à échapper à la justice étrangère.
Comment cette exfiltration est-elle préparée?
Cela prend beaucoup de temps. Pour les pilotes que nous avons exfiltrés, cela nous a pris trois bons mois. Dans le cas de Carlos Ghosn, une telle opération nécessite au moins six mois de préparation et une équipe d’une vingtaine de personnes. Les fidèles, proches de l’homme ou de son groupe … Plusieurs transferts successifs en avion, probablement en jets privés, ont été minutieusement préparés. Avec un coût pas forcément très élevé, que j’estime autour de 250 000 euros, pour assurer l’organisation et les frais de déplacement et de rotation des petits aéroports locaux. Il me semble certain qu’il a voyagé à travers différents pays, sans prendre le risque de mettre le pied sur des territoires où il pourrait être extradé vers le Japon.
Les autorités japonaises déclarent n’avoir enregistré aucune sortie du pays au nom de Ghosn. Les premières rumeurs évoquent une sortie du Japon sous une fausse identité, est-ce possible?
Cela me semble à peine crédible. Je suis convaincu qu’il n’a pas utilisé une fausse identité: cela aurait été trop risqué s’il avait échoué car cela ajoute une infraction. Je n’aurais jamais recommandé une telle pratique. En revanche, il est fréquent que les voyageurs fréquents possèdent plusieurs passeports authentiques de la même nationalité. Il est tout à fait légal et très utile de ne pas afficher sur le même document tous les pays visités. C’est très probablement le cas de Carlos Ghosn qui devait en garder un en lieu sûr. Il est également fréquent, notamment en Asie, que plusieurs translittérations du même nom (Note de l’éditeur: transposition d’un nom dans une langue étrangère) exister et entraîner une mauvaise traduction d’un nom écrit à partir de l’alphabet latin. C’est l’une des principales faiblesses des contrôles administratifs d’identité par rapport à la biométrie.
Comment aurait-il pu tromper les services de sécurité japonais qui l’ont suivi?
Les astuces ne manquent pas. Il a dû utiliser un clone, un double qui a fait diversion pendant son évasion. Lors de notre exfiltration des deux pilotes, nous avions rempli leurs téléphones portables d’unités prépayées et les avions abandonnés en ville avec leur chargeur pour qu’ils tombent entre les mains d’une personne ravie d’utiliser les unités. C’est un moyen parmi d’autres de faire diversion.
Peut-on imaginer, comme certains le suggèrent déjà , que le Japon l’a laissé partir?
Je n’y crois pas. Il semble difficile d’imaginer les autorités japonaises – même si elles sont gênées par cette affaire – de le laisser quitter leur territoire et ainsi accepter de perdre la face publiquement. De même, penser que les services français auraient pu être informés, voire plus, ne me semble pas crédible car nos services ne sont pas suffisamment implantés en Asie.
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