Cet atterrissage forcé en mer me revient, je l'avais complètement oublié (ainsi que la traversée en planeur).
Cette bifurcation vers le C-210T pourrait être réorientée vers un sujet à part de celui de l'accident de l'ULM dont il est question ici au départ. Pardon.
Mais... "l'accident" de ce C-210T m'a interpellé au point que j'ai cogité dessus toute la soirée d'hier. Je ne peux m'empêcher de vous livrer mes cogitations "transcendentales" (comme disait Dali).
Selon les occupants, il n'y a pas eu de choc au niveau du moteur, pas de vibration ni de bruit anormal. Le moteur ne s'est pas arrêté instantanément comme un moteur bloqué mécaniquement ou ayant "serré". Le moteur s'est arrêté très rapidement, disent-ils.
Très rapidement, donc quelques secondes.
Selon le pilote aux commandes, et confirmé par l'autre pilote parmi les passagers, "la pression admission est descendue à 10" et "le débit carburant est monté au maximum".
Ce qui a laissé perplexe tout le monde, y-compris le BEA.
Pourtant ce sont les symptômes primordiaux de cet arrêt moteur.
Puisque le moteur et le turbocompresseur fonctionnaient normalement jusqu'à la panne et que ce sont les variations de pression admission et de débit carburant qui sont constatées lors du déroulement de la panne, il s'agit manifestement d'une variation du mélange air / essence qui a étouffé le moteur en quelques secondes.
Le scénario plausible devient alors le suivant.
Je ne suis pas un spécialiste en la matière et je n'ai pas consulté une documentation technique permettant de visualiser la jonction du turbocompresseur au moteur, mais c'est l'hypothèse suivante qui me semble la plus judicieuse : un joint ou un collier de serrage, ou même une tubulure devient défectueux au point de produire une fuite d'air au niveau de cette jonction turbocompresseur / moteur.
Le turbo continue de produire de l'air sous pression, mais cet air ne pénètre plus à pression suffisante dans les cylindres du moteur. Le manomètre indique aussitôt cette diminution de pression admission ("vers 10" a-t-il été déclaré).
La quantité d'essence injectée ne change pas puisque sur le moment personne ne touche au réglage de la manette rouge du débit carburant.
Avec cet air aspiré à pression ambiante et donc à pression diminuée ("descendue à 10"), l'essence arrive alors en trop grande quantité. Le mélange est trop riche. Le rapport de la quantité d'essence par rapport à l'air admis mais à pression plus faible est aussitôt détecté et indiqué par le débitmètre carburant comme un excès de débit carburant ("le débit carburant est monté au maximum" a-t-il été déclaré).
Le moteur s'étouffe en quelques secondes.
Cette nuit, je n'ai pas consulté un manuel de vol de C-210 T, mais la procédure habituelle de remise en route du moteur est probablement semblable à celle "à chaud" ou d'un démarrage "moteur noyé" et tout simplement d'un moteur à injection. On positionne la manette "des gaz" à fond en avant (plein gaz) dans les cas "à chaud" ou "noyé", ou manette avancée d'un centimètre seulement si démarrage classique d'un "injection". On met la manette de l'hélice en avant (plein petit pas), et la rouge du débit carburant en arrière (débit carburant fermé). On enclenche le démarreur, et, lorsque le moteur tend à démarrer, on enrichit plus ou moins rapidement avec la manette rouge poussée vers l'avant jusqu'à ce que le moteur démarre vraiment. On ajuste les gaz pour la puissance désirée.
A un poil de c...heveu près, c'est ce qu'a dû tenter le pilote pour redémarrer son moteur.
Mais c'était mission impossible en enrichissant complètement comme cela a été fait probablement pour cette remise en route. En effet, en poussant la manette de débit carburant tout en avant, on commandait le débit maximal de carburant. Or nous avons vu que c'était justement parce que le débit carburant était resté maximal lors de la diminution de pression de l'air aspiré que le moteur s'était étouffé.
Evidemment, avec le recul, le cul dans un fauteuil au sol et devant un ordinateur, et après une nuit de cogitations, c'est plus facile de conclure que la remise en route du moteur aurait PEUT-ETRE pu se réaliser SI la manette de débit carburant avait été poussée lentement en avant jusqu'au redémarrage du moteur, sans aller jusqu'en butée avant de la manette rouge. C'est une telle manip' qui aurait pu être tentée AU SOL pour vérifier cette possibilité de redémarrage et donc en conclure que c'était cela qu'il fallait faire, c'est à dire de régler un mélange air/essence compatible avec une pression admission non turbocompressée. Si tant est que le moteur pouvait encore aspirer de l'air "extérieur" dans le compartiment moteur ou pas, hors filtre à air ou pas. Mais pour cela, encore aurait-il fallu mettre le moteur sur un banc d'essai, donc de le démonter, donc de retrouver l'avion, donc de remonter l'avion qui a coulé à 1 200 m de profondeur. Evidemment, avec des si... on mettrait Paris en bouteille.
Le pilote a fait ce qu'il connaissait, ce qu'il savait faire, et n'avait pas le temps de cogiter sur "
le pourquoi du comment du chapeau de la gamine" : descendant du niveau 65 (6 500 Ft), la mer est vite là ! Tout ce qu'il a fait a concouru à ce que tout le monde soit dans les meilleurs conditions pour survivre.
Ils ont tous survécus ? Alors c'est lui qui a eu raison et qui a su faire. Point-barre ! Et... je compatis avec eux.
Il n'empêche que je suis tout joisse d'avoir PEUT-ETRE trouvé la cause de cette "panne moteur" (hi, hi, hi) !!!
Bon, d'accord, cela pourrait être aussi la turbine en nickel du turbocompresseur qui aurait rendu l'âme (v. rapport du BEA qui parle d'une possible usure de celle-ci) au lieu de la "jonction" turbo/moteur comme je l'ai indiqué. Cela ne change rien au scénario du manque d'air entraînant un mélange trop riche étouffant le moteur, hé, hé, hé.
A vous vous les commandes, hein !