Les choix relatifs aux porte-avions de nouvelle génération [PA-NG] auraient dû être précisés par le président Macron à l’occasion du 14-Juillet. Seulement, les aléas de la vie politique en auront décidé autrement, avec le remaniement du gouvernement. A priori, le chef de l’État devrait faire des annonces d’ici la fin de cette année, voire à l’occasion de ses voeux aux Armées, en janvier prochain.
Quoi qu’il en soit, au gré des auditions parlementaires, des indiscrétions faites à la presse et des rapports publiés par les commissions de la Défense du Sénat et de l’Assemblée nationale, on peut avancer quelques éléments qui, a priori, ne devraient pas être remis en cause.
Ainsi, il est acquis que le PA-NG serait au moins 1,5 fois plus imposant que l’actuel porte-avions Charles de Gaulle et ses 42.000 tonnes de déplacement, l’ordre de grandeur envisagé étant en effet de 70.000 tonnes pour 280 à 300 mètres de long. Et cela est lié au le Système de combat aérien du futur [SCAF], dont l’avion de combat sur lequel il se reposera affichera une masse de 30 tonnes pour une longueur de 19 mètres et une envergure de 14 mètres. En outre, il devra être en mesure de mettre en oeuvre des drones et des effecteurs.
Pour plus de souplesse dans les opérations aériennes, il a été avancé que le PANG devra avoir la capacité de « lancer et de ramasser » en même temps les aéronefs embarqués.
Quant à la propulsion, le choix du nucléaire semble acquis. Et cela afin de conserver les compétences de la filière française dans ce domaine. En effet, une fois que les programmes relatifs aux chaufferies des sous-marins nucléaires [SNA] de la classe Suffren et à celles qui équiperont les sous-marins nucléaires lanceurs d’engins de prochaine génération [SNLE3G], il faudra maintenir des savoir-faire pour en assurer le maintien en condition opérationnelle [MCO].
Ce qui passe donc par une propulsion nucléaire pour le PA-NG… et la conception de deux nouveaux réacteurs, dont la puissance devrait être de 220 à 230 mégawatts, ce qui lui donnerait une puissance supérieure de 50% par rapport au « Charles de Gaulle ». Ce besoin en énergie s’explique par la nécessité de faire déplacer au moins 70.000 tonnes sur les eaux [et atteindre une vitesse maximale pour pouvoir récupérer certains aéronefs en avarie sévère]. Mais il serait question de pouvoir mettre en oeuvre des catapultes électromagnétiques [EMALS – ElectroMagnetic Aircraft Launching System] en lieu et place des traditionnelles catapultes à vapeur.
Le choix des EMALS a été confirmé par la Marine nationale, dont le dernier numéro du magazine « Cols Bleus » fait un focus à ce sujet.
« Les catapultes électromagnétiques qui équiperont le PA-NG reposent sur le principe de l’induction magnétique. Des circuits électriques, situés de part et d’autre des rails de catapultage, génèrent un champ magnétique mettant en mouvement un chariot mobile sur lequel est fixé l’aéronef. L’alimentation de ce moteur linéaire est contrôlée de manière à être ajustée à la masse de l’avion ou du
drone à catapulter et à la vitesse finale nécessaire à son catapultage. Des systèmes de stockage et de restitution d’énergie [volants d’inertie], situés en amont des moteurs, permettent de lisser les appels de puissance vis-à -vis de l’installation de production électrique du navire lors de l’utilisation des EMALS », explique Cols Bleus.
Les avantages des EMALS sont nombreux : possibilité de lancer des aéronefs affichant des masses différentes, réduction des contraintes physiques sur la cellule des appareils, encombrement moindre, moins de nuisances sonores, rendement énergétique optimisé, maintenance plus facile, etc…
À cette occasion, la Marine nationale a publié une image [voir ci-dessus] suggérant l’allure qu’aurait le PA-NG, mais avec un crédit donné à GA-EMS, c’est à dire General Atomics Electromagnetic Systems Group. On devine qu’il disposera d’au moins deux EMALS et que son îlot n’occupe plus une position centrale [toujours à tribord] mais qu’il sera située sur sa partie arrière. Comme, du reste, l’USS Gerald Ford, qui inaugure une nouvelle classe de porte-avions américains [avec, au passage, quatre catapultes électromagnétiques].
S’agissant de la protection, il avait été suggéré que celle du PA-NG serait renforcée par rapport à celle du « Charles de Gaulle », laquelle repose notamment sur des missiles Aster 15 et Mistral, ainsi que sur huit canons de 20 mm et, depuis 2019, sur trois tourelles Narwhal. Sur ce point, la Marine nationale ne dit pas grand chose… Si ce n’est qu’elle rappelle la protection d’une force navale se conçoit de façon globale et non pas navire par navire.
« Le porte-avions et son escorte évoluent en permanence pour s’adapter » aux menaces, souligne Cols Bleus. « Concernant la menace missile, en particulier celle des missiles hypervéloces [hypersonique, ndlr], des travaux capacitaires ont été lancés pour réfléchir aux meilleurs moyens d’y faire face », indique-t-il.
Et cela concerne d’abord le porte-avions « Charles de Gaulle » avant le PA.NG.
« Ainsi, le prochain arrêt technique majeur du porte-avions et les refontes à mi-vie des frégates de défense aérienne seront l’occasion de faire évoluer les systèmes antimissiles de ces bâtiments ainsi que la suite radar du porte-avions. L’arrivée des frégates de défense et d’intervention [FDI] permettront au GAN [groupe aéronaval, ndlr] de bénéficier de plateformes Aster 30 extrêmement performantes. À ces moyens s’ajoutent déjà ceux du Rafale Marine équipé du missile Meteor, qui lui offre une capacité d’interception air-air accrue », explique le magazine de la Marine nationale.
Et de conclure : « Dès lors, le porte-avions, protégé par son escorte de frégates et sous-marins de nouvelle génération, restera la base aéronautique la plus sûre, grâce à sa mobilité et au périmètre important de sa bulle de déni d’accès, dont la taille sera accrue grâce aux nouvelles capacités du GAN. »
http://www.opex360.com/2020/12/05/la-marine-nationale-leve-un-coin-du-voile-sur-le-porte-avions-de-nouvelle-generation/