Sinon, à propos de sauvetages en hélicoptères à haute altitude au Pakistan, on peut citer des précédents exemples récents (2018).
Ce sont donc des pilotes du 5ème escadron de l'armée pakistanaise (via la société Askari Aviation) basés à Skardu dans la région du Gilgit-Baltistan qui opèrent ces helicoptères verts, des Ecureuil AS350 B3.
Si la mission envisagée implique le survol d'un glacier (ce qui est souvent le cas pour ces sauvetages en montagne, par exemple au K2 il faut survoler le glacier du Baltoro qui fait 62 km de long), le protocole militaire exige que le vol soit réalisé avec 2 appareils simultanément, ce qui bien évidemment augmente le coût des secours.
Ces hélicoptères mono turbine ne sont pas équipés de treuil comme nos EC145 ou EC135 utilisés pour le secours en montagne dans les Alpes.
Leurs missions de secours consistent donc le plus souvent en des déposes et des récupérations au sol, avec atterrissages et décollages.
Parfois, et c'est assez récent, ils utilisent une élingue ("long line") pour extirper une victime de la montagne.
Juin 2018, sauvetage sur l'Ultar Sar (7.388 m) avec atterrissage/decollage à 5.900 m :Une avalanche a surpris un groupe de grimpeurs sur l’Ultar Sar, sommet de 7.388 mètres dans l’extrême nord du Pakistan, ce vendredi 29 juin. Bruce Normand et Timothy Miller, tous les deux de nationalité britannique, ont été blessés. Leurs jours ne sont pas en danger. Leur compagnon de cordée, l’Autrichien Christian Huber, n’a pas survécu à l’avalanche. Huber, résident américain, a été tué par cette coulée de neige sur le pilier Sud-Est de l’Ultar Sar.
La mission est de récupérer le corps de l’Autrichien Christian Huber, et éventuellement les 2 survivants, qui ont aménagé une plateforme dans la neige, sur une crête à 5.900m.
Il y a donc deux hélicoptères AS350 B3, avec chacun 2 pilotes.
Un appareil s'est posé sur l'heli surcface improvisée, ils ont chargé le corps de Huber, puis ont initié le décollage puis immédiatement reposé.
Le pilote a alors fait signe à Bruce Normand qu'il pouvait embarquer lui aussi, estimant que l'appareil supportait la charge supplémentaire d'une personne (4 personnes donc).
Ce sauvetage a été l'un des atterrissages d'hélicoptère le plus élevé enregistré au Pakistan.
Voir la vidéo ci-dessous.
Vidéo :
Notez le copilote qui descend de l'appareil (à 5.900m donc !) pour aider à charger le corps, en t-shirt plus sa combinaison de vol en tissu...
Les équipages avec les 2 survivants :
Juillet 2018, sauvetage sur le Latok I (7.145 m) avec élingue à 6.290 m:L'alpiniste russe Alexander Gukov a été secouru à la suite d'une épreuve dramatique sur la crête nord de Latok I (7145m). Le compagnon de cordée de Goukov, Sergey Glazounov, est mort en réalisant un rappel au-dessus de 6000 m le 25 juillet, laissant Gukov bloqué dans des conditions météorologiques difficiles. Le mauvais temps a continuellement entravé de multiples efforts de sauvetage sur la montagne, mais après 6 jours sans nourriture ni eau et sans batterie pour son GPS Garmin InReach, Goukov a été secouru par les pilotes du 5e Escadron d'aviation de haute altitude de l'armée pakistanaise. Il s'agit probablement du sauvetage le plus haut réalisé avec élingue au Pakistan.
Les sauvetages avec élingue ne sont pas du tout une procédure standard au Pakistan, car sans un secouriste qualifié au bout de la ligne, l'équipe compte sur le grimpeur pour tout faire correctement (attraper l'élingue, se clipser, et se déclipser de son ancrage sur la montagne).
Or, il ne l'a pas fait...
Dans son état d'épuisement, Goukov a oublié de se déclipser et pendant 10 secondes, l'hélicoptère a été retenu par la corde, ce qui a fait basculer dangereusement le rotor de queue vers la face. Heureusement, l'ancrage de Goukov a sauté et il a été "catapulté" dans les airs...
Je mets ci-dessous la traduction d'un extrait d'un article (très long !) de UK Climbing en 2018 dont j'ai tiré certaines infos de mon message ci-dessus, et qui me parait intéressant à propos de l'évolution des secours en hélicoptères au Pakistan.
Cela donne une bonne idée des différences avec nos secours par hélicoptères dans nos Alpes, dont le plus haut sommet culmine à une altitude inférieur au camp de base du K2...
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Citation:
L'avenirLa formation des pilotes n'a pas beaucoup changé au fil des ans depuis la création d'Askari. L'armée pakistanaise pratique les procédures de ligne fixe avec le fret et tous les pilotes font une rotation de 3 ans dans le 5e escadron.
Au début, ils n'ont aucune idée de ce que c'est que de voler dans les montagnes et doivent essentiellement réapprendre à voler à partir de zéro, explique Bruce Normand. Dès la deuxième année, ils commencent à prendre confiance en eux et peuvent envisager de dépasser les SOP en termes d'altitude ou de vol dans les nuages. Au cours de leur troisième année, ils peuvent réaliser de grandes missions en vol, mais ils partent ensuite, car Skardu n'est pas la base la plus attrayante pour le personnel militaire. Cela signifie que la région n'aura probablement jamais de cadre de sauvetage permanent et que la capacité technique fluctue en fonction des compétences des pilotes. "Cette saison a été bonne, et ils ont fait beaucoup de chemin cette saison en commençant par Revol, c'est pourquoi ils ont pu réussir les sauvetages de cette année," explique-t-il.
Malgré cette saison de sauvetages miraculeux et très médiatisés, Normand et Sharafat Ali craignent que les attentes pour l'avenir soient portées à des niveaux irréalistes.
"C'est une préoccupation énorme. La facilité de communication et d'accès pour les personnes ignorantes devient problématique", déclare Bruce Normand. On pourrait dire que les sauvetages de cette année ne feront aucune différence tant que des personnes croient pouvoir être sauvées à 8000 m, mais il est certain qu'une plus grande partie du public semi-informé des alpinistes voit de nouvelles limites supérieures. Même les alpinistes les plus chevronnés peuvent ne pas apprécier certains paramètres de base du vol : l'équipage ne peut pas voler s'il ne peut pas voir (les nuages) ; il ne peut pas atterrir sans une grande surface ferme ; il ne peut pas faire de la longue ligne sans treuil et il ne peut pas changer le poids de l'hélicoptère de 100 kg s'il vole au-dessus de 6300m, parce que l'air est trop raréfié. Ces critères se combinent pour réduire la probabilité d'une opération sûre.
"On pourrait s'attendre à ce que ces récents sauvetages réussis permettent de financer davantage la formation et l'équipement au Pakistan, mais malheureusement le contraire sera probablement vrai. En fait, le budget sera réduit parce que trop d'argent est perdu", explique Normand.
"Les statistiques de cette saison [2018] au Pakistan donnent à réfléchir. Sur 44 expéditions, 17 ont fait appel à un hélicoptère. Certaines expéditions ont eu plusieurs évacuations et ont appelé au secours plus d'une fois", souligne Sharafat Ali. Quelqu'un doit s'asseoir et prendre note plus tard dans l'année quand l'armée a effectué les 30 missions de sauvetage prévues - certaines aux dépens d'opérations critiques de l'armée pakistanaise. Six sauvetages ont été effectués lors des accidents déjà mentionnés, plus un groupe de Coréens sur le Latok. Tous les autres se trouvaient sur le Baltoro. Pour au moins huit des appels, les pilotes pouvaient dire - ou on leur a dit - qu'il n'y avait rien de mal chez le grimpeur, à part le fait qu'il était trop paresseux pour sortir", dit Normand. Le fait que plus d'un tiers des équipes des expéditions 2018 aient fait appel à des hélicoptères - dont beaucoup simplement "parce qu'ils sont là " - est un fait nouveau qui mettra sans aucun doute la pression sur les opérations d'Askari.
Cet hiver, la situation semble devoir se compliquer. Askari connaît beaucoup plus d'évacuations de soldats en période de froid qu'en été, en raison des gelures et des effets de l'altitude. Le nombre de jours de vol est considérablement réduit et le vent est presque toujours implacable. Des expéditions sont prévues cet hiver vers le K2, le Nanga Parbat, le G2 et peut-être le Broad Peak", explique Normand. Ces alpinistes doivent être conscients des longues attentes s'ils demandent un hélicoptère et comprendre qu'un soldat pakistanais gelé est probablement devant eux sur la liste".
Un autre sujet qui mérite d'être discuté est celui de la "longue file d'attente". Tout le monde s'attend à ce que ce soit un "vrai" sauvetage par hélicoptère, parce que les Français le font pour économiser de l'argent grâce à leur rapidité, et ensuite les gens pensent que les Pakistanais sont incompétents s'ils ne peuvent pas faire la queue", explique Normand. La long-line nécessite un treuil, qui pèse 200 kg. Un technicien de sauvetage descend, et généralement un treuil reste sur l'avion, ce qui représente 200 kg supplémentaires, certainement avec un câble en acier (50 kg et plus). Ajoutez 450 kg à l'hélicoptère et ... son plafond descend de 6300 à environ 5000 m," ajoute-t-il. C'est pourquoi les Pakistanais n'ont pas de treuils - ils doivent aller beaucoup plus haut que cela. Un sauvetage "par ligne fixe", comme celui que Alexander Gukov a bénéficié, implique un sauvetage par corde.
Cependant, une élingue de cargaison est statique, risquant de se casser en cas de problème de transfert de poids. Je suppose qu'ils ont des cordes légèrement dynamiques pour les urgences, mais le plus gros problème est celui qu'ils ont rencontré avec Gukov - le grimpeur blessé doit être capable de tout faire lui-même, et le faire correctement," explique Normand. Après Gukov, on ne peut pas s'attendre à ce que les cordes fixes soient des SOP optionnelles, et je ne sais pas non plus ce qu'il en est des atterrissages sur des plateformes préparées par les grimpeurs. Certains hélicoptères ont été perdus parce qu'ils se sont enfoncés dans la neige à l'atterrissage lors d'opérations militaires régulières, c'était donc un point important de notre sauvetage. Je ne sais pas s'ils ont dû nous faire confiance aveuglément, comme avec Gukov, ou s'ils ont vraiment eu une certaine marge de manœuvre pour tester l'aire d'atterrissage lorsqu'ils sont arrivés".
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Enfin, mais c'est un point crucial, il y a la question du sauvetage par hélicoptère des travailleurs des expéditions en haute altitude, qui ne sont généralement pas couverts par l'assurance personnelle d'un alpiniste. Au Népal, les sauveteurs sont généralement plus facilement accessibles aux travailleurs après des discussions de haut niveau concernant leurs droits, mais au Pakistan, les porteurs de haute altitude ne sont pas aussi nombreux. Il y a actuellement environ 25 porteurs d'altitude au Pakistan. En cas d'urgence, les tour-opérateurs locaux fournissent des porteurs à Askari Aviation pour aider un alpiniste en difficulté, mais ils sont souvent refusés par les ambassades même s'ils sont compétents, ce qui s'est produit lors du sauvetage de Revol", explique Sharafat Ali. Les grandes expéditions amènent des sherpas népalais au Pakistan, ce qui n'arrange pas la situation non plus. Le Pakistan pourrait être obligé de mettre en place des règles pour limiter le nombre de sherpas népalais afin d'empêcher la domination du marché. La meilleure façon d'inculquer une certaine compétence à une communauté est de la relier à un avantage économique", explique Sharafat Ali. S'il y a une demande pour un certain ensemble de compétences, les gens essaieront de l'apprendre pour gagner leur vie".
Le sauvetage d'un porteur dépend de l'expédition qui l'engage. Il incombe au groupe de payer l'assurance de sauvetage par hélicoptère des porteurs, parallèlement à l'assurance médicale obligatoire en cas de blessure ou à l'assurance vie en cas de décès. Les grands tour-opérateurs obligent leurs expéditions à fournir une assurance de sauvetage pour leurs porteurs en haute altitude, mais tous ne le font pas", ajoute Sharafat Ali. Les opérateurs participants s'assurent que les expéditions signent un contrat selon lequel l'expédition serait responsable de son personnel pakistanais. Heureusement, la raison pour laquelle la couverture de sauvetage des porteurs au Pakistan a reçu peu d'attention jusqu'à présent est qu'elle n'a pas été nécessaire - Askari Aviation ne se souvient pas d'une demande de sauvetage par hélicoptère d'un porteur au cours des sept dernières années. Cela dit, l'égalité entre les alpinistes occidentaux et les travailleurs locaux devrait rester un point important à considérer pour les équipes des expéditions.
https://www.ukclimbing.com/articles/features/helicopter_rescue_in_pakistan_-_the_past_present+future-11177