Bonjour. À la lecture de ce fil, je ne suis pas sûr d'être vraiment audible dans mes réserves quant aux commentaires qui y figurent. Je répercute néanmoins le commentaire ci-dessous, émanant d'une élue poitevine, pour relativiser l'affaire, puis fais suivre une interview de Mme Moncond'huy au journal Libération.
"L'association "Aéroclub du Poitou" a vu sa subvention diminuer de 4000€ (4000 au lieu de 8000) mais on oublie de dire que cette même association a un budget de 337 000 €. L'ASPTT Vol Moteur voit sa subvention passer de 800 à 400€. Le club omnisport de l'ASPTT, toutes sections confondues, a un budget de 761 000€ et bénéficie de 46 500€ de subventions de la part de la mairie de Poitiers. Il est à noter que cette diminution de subvention n'impacte aucun emploi."
Le tour de France des polémiques anti-écolo s’est arrêté ce week-end à Poitiers. Une phrase de Léonore Moncond’huy, la maire EE-LV de la ville, a fait pousser des cris d’orfraie à tout ce que les marcheurs, la droite et une partie de la gauche comptent d’admirateurs de l’aéronautique. Justifiant la réduction des subventions allouées à deux aéroclubs de la ville, Léonore Moncond’huy a estimé qu’il fallait «préserver les enfants» de certains rêves, dont l’aérien fait partie. Au-delà des caricatures - l’édile poitevine et ses camarades ont été, à nouveau, repeints en « Khmers verts » - le fait est que la relation entre les écolos et le secteur aérien tient plus des chiens de faïence qu’à la lune de miel. Pour Libération, Léonore Moncond’huy a accepté de développer sa pensée.  Comprenez-vous cette polémique autour de vos propos ? Je reconnais volontiers que mes propos ont été maladroits et ont pu générer de l’incompréhension. Le débat a été placé sur le terrain de la morale. Or, ça ne donne pas une image juste de l’approche politique que nous portons localement, qui cherche à être ouverte, constructive, tout le contraire de dogmatique. Le cœur de mon engagement est l’éducation populaire qui, justement, veut aider les enfants à s’émanciper et à ouvrir leur imaginaire. L’une des premières actions que nous avons mises en place ici est un plan «vacances pour tous» afin que le rêve devienne accessible.
Est-ce le rôle des politiques d’agir sur les rêves des enfants ? Je répondais à l’interpellation d’une élue d’opposition, qui mettait en avant le travail de l’aéroclub, avec l’association Rêve de gosse, qui offrait il y a quelques années des vols aux enfants en situation de handicap. Je considère qu’il n’était pas correct de venir mettre le handicap dans le débat. Il faut poser la question sous l’angle de l’urgence climatique et des décisions à prendre justement pour préserver l’avenir des enfants. Mais l’imaginaire des enfants d’aujourd’hui sera différent, qu’on le veuille ou non. Ça ne veut pas dire que je remets en question l’histoire de la conquête aérienne. Les scientifiques du Giec nous disent que si on ne fait rien, on aura une augmentation de 5 à 6 degrés en moyenne en France à la fin du siècle. Le trafic aérien a augmenté de 42% entre 2005 et 2019, donc il faut le réduire, c’est une question de rationalité. Si on ne s’attaque pas vraiment au changement climatique, il faudra assumer face aux jeunes générations. A mon niveau, je le fais en ne finançant plus les loisirs polluants avec de l’argent public.
C’est quoi une politique écologiste des loisirs ? C’est avant tout une politique qui recherche l’égalité dans le temps libre. Aujourd’hui, les politiques sociales sont de plus en plus tournées vers l’emploi mais on se rend compte que dans le temps libre, se développent de plus en plus d’inégalités. Beaucoup d’enfants dans les quartiers prioritaires n’ont jamais vu la mer. Je préfère que les finances publiques, dont j’ai la responsabilité, aident tous les enfants à partir en vacances plutôt que d’aider certains à se consacrer à un loisir polluant. Il ne s’agit pas d’interdire les aéroclubs mais de prioriser l’argent public dont nous avons la charge. «Cette polémique est affolante, car elle rend le débat extrêmement binaire, comme s’il s’agissait d’être pour ou contre l’avion. On nous présente comme des radicaux mais l’excès aujourd’hui, est dans le monde dont nous héritons. Je ne crois pas qu’il y ait de la radicalité dans le fait de baisser de 4 000 euros la subvention à un aéroclub. Quand on regarde l’ampleur des enjeux, la question me semble dérisoire.»
C’est quoi, concrètement, l’«écologie populaire» ? Il s’agit avant tout d’une écologie qui s’incarne dans les pratiques du quotidien. Quand on est maire à l’échelle d’une ville comme Poitiers, c’est la cantine qu’on offre à tous les enfants, les aires de jeux plus inclusives et moins artificielles, la nature dans les cours d’école. Tout ça concilie le bien vivre en ville et le bien vivre pour tous. Depuis que je suis aux responsabilités ici, j’ai vraiment l’impression que la dissociation entre l’écologie et la dimension sociale est purement théorique. Notre rôle est à la fois de conduire la transition écologique et de préparer nos territoires aux impacts des changements climatiques. Si elle n’est pas conduite avec un impératif de justice sociale, la transition va mécaniquement conduire à des inégalités. Mon objectif est de protéger tout le monde, ce qui dans un monde libéral comme le nôtre est loin d’être gagné.
Vous pensez qu’il faut moins prendre l’avion et moins voyager ? Tout est dans le «moins». Cette polémique est affolante, car elle rend le débat extrêmement binaire, comme s’il s’agissait d’être pour ou contre l’avion. On nous présente comme des radicaux mais l’excès aujourd’hui, est dans le monde dont nous héritons. Je ne crois pas qu’il y ait de la radicalité dans le fait de baisser de 4 000 euros la subvention à un aéroclub. Quand on regarde l’ampleur des enjeux, la question me semble dérisoire. On sait qu’il faut réduire le trafic aérien dans son ensemble si on veut répondre aux enjeux climatiques. Donc oui, il faut prioriser les usages de l’avion car les prix de l’aérien sont artificiels : le kérosène est le seul carburant qui n’est pas taxé alors que la TVA sur les billets de train l’est encore à 10%. En 2020, par exemple, à l’aéroport de Poitiers, 90 euros d’argent public ont été dépensés par passager, en plus du prix du billet qu’ils paient. Je pense que si les passagers assumaient les vrais coûts du transport aérien, sans même parler de l’impact climatique, ça aurait un effet régulateur. Là , il n’y a pas de vrai choix : on choisit déjà de faire porter le soutien de l’argent public à l’avion alors que le train est plus responsable d’un point de vue climatique.
L’avion, ce n’est pas qu’un loisir, ça permet aussi de désenclaver des territoires, ça a une utilité économique. Qu’en faites-vous ? La contribution d’un aéroport au développement économique d’un territoire, en tout cas pour Poitiers, n’a jamais été prouvée. Il faut questionner les croyances. Poitiers est à une heure et quart de Paris et de Bordeaux. Notre aéroport est structurellement déficitaire et nécessite deux millions d’euros d’argent public par an. Est-ce raisonnable d’y consacrer autant d’argent alors qu’on pourrait investir dans les mobilités du quotidien ? C’est d’ailleurs ce que demandent les entreprises du territoire. Donc vous voulez arrêter de subventionner aussi l’aéroport de Poitiers ? Récemment, la question s’est posée de savoir si on renforçait notre soutien à l’aéroport pour le renforcer face à la crise, qui rend son avenir incertain. Après débat, la réponse des élus a été que non, les priorités sont ailleurs. Là encore, pas de caricature : il ne s’agit pas de fermer un aéroport dont les usages sanitaires, par exemple, doivent être protégés. L’emploi lié au secteur aérien, c’est plus de 400 000 emplois en France. Ce serait irresponsable de ne pas voir cette réalité. Mais deux options s’offrent à nous : soit on anticipe les changements, soit on les subit. A Poitiers et à Châtellerault, nous sommes par exemple engagés dans un projet qui s’appelle «Transition collective», pour accompagner sur deux ans l’évolution des emplois les plus menacés dans la crise actuelle et face à la crise écologique, dont certains emplois du secteur aéronautique.
Vous ne croyez pas à l’innovation dans le secteur aérien ? C’est un levier mais croire qu’elle résoudra tout, c’est une illusion. Aujourd’hui, il y a ce qu’on appelle l’effet rebond : à court terme, le gain énergétique obtenu avec l’innovation risque d’être dépassé par l’augmentation du trafic aérien en parallèle. Il faut vraiment concilier le progrès technologique et l’ajustement du trafic. Mais cet appel à la sobriété, je ne suis vraiment pas la seule à le porter : les rapports scientifiques sont unanimes, la Convention citoyenne pour le climat portait de nombreuses propositions à cet égard qui n’ont pas été retenues, et la jeunesse qui se mobilise revendique aussi cet engagement.
On a l’impression que les écologistes proposent surtout de voyager moins. C’est moins enthousiasmant que l’aéropostale. Comment pouvez-vous nous faire rêver aujourd’hui ? Déjà en ne reniant pas notre imaginaire : j’adore Vol de nuit et Saint-Exupéry. Mais aujourd’hui, nous soutenons des imaginaires différents de l’aventure. Par exemple, à Poitiers, nous avons lancé un défi à la jeunesse : rejoindre Marburg, notre ville jumelle, en Allemagne, avec des transports 100% décarbonés. Cela suscite l’imaginaire de l’aventure. Aujourd’hui, certaines personnes ont l’habitude des week-ends à l’autre bout du monde. Mais le voyage doit être une vraie évasion et plus de sobriété peut conduire à retrouver le goût de l’exceptionnel, de l’aventure à notre porte. J’ai moi-même découvert ces modes des voyages et je recommande à quiconque d’expérimenter l’aventure.
|