Des avions de ligne ciblés par un nouveau mode de brouillage du GPSCitation:
Ces derniers mois, de faux signaux GPS perturbent le système de navigation d’avions dans l’espace aérien du Moyen-Orient. Un brouillage pris au sérieux par les compagnies aériennes.
Le brouillage du GPS ou « jamming », c'est presque du quotidien pour les pilotes de ligne, qui savent que les signaux reçus par satellites du Global Positioning System peuvent être perturbés, volontairement ou non, dans certaines zones. Prévu dans les check-lists, le plan B est alors appliqué en basculant vers les données géographiques un peu moins précises fournies par l'IRS, le système autonome de référence inertiel à base de gyroscopes et d'accéléromètres.
Cet automne, un nouveau mode d'attaques apparaît, principalement dans l'espace aérien du Moyen-Orient, à proximité des zones de conflit. Les avions sont ciblés par de faux signaux GPS, entraînant rapidement une perte globale du système de navigation. Des rapports d'incidents sont ainsi collationnés par OpsGroup, une communauté de pilotes et de techniciens de navigation aérienne. Les informations nous ont été confirmées, car vécues, par des pilotes d'avions de ligne et d'avions d'affaires français.
Les données de navigation de l'avion déréglées
L'attaque est beaucoup plus grave que celle du « jamming » classique. Le « spoofing » provoque en effet une usurpation d'identité, et modifie des données. Au point que la position qui s'affiche sur les écrans du cockpit devient différente de 60 milles nautiques (environ 100 km) de la position réelle. L'alternative avec le recours à l'IRS ne fonctionne pas car ce dernier système, pourtant réputé inviolable, est lui aussi pollué et confirme les fausses informations. Un scénario qui semble tiré d'un film de James Bond…
Les récepteurs VOR/DME, ceux de la génération précédente, qui calculent la position de l'avion à partir de balises situées au sol, se retrouvent également en panne. Même l'horloge UTC de l'avion est déréglée. Pour poursuivre sa navigation, l'équipage est contraint de demander au contrôle aérien l'heure et les vecteurs cap/distance. Chaque fois, il n'y a aucun avertissement et certains opérateurs se retrouvent à 60 ou 80 milles nautiques de leur trajectoire.
Cela a été le cas d'au moins une douzaine d'avions le long de la frontière irako-iranienne sur la voie aérienne UM688. Cette route aérienne est plus fréquentée avec le conflit entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan et depuis que le survol de la Russie n'est plus possible pour rallier l'Asie. Les appareils concernés allaient du petit Embraer Praetor 600 au Boeing 777, note OpsGroup.
Comme Lindbergh lors de sa traversée de l'Atlantique, les pilotes pourraient en théorie reporter leur position à partir du cap suivi au compas (la boussole des aviateurs) et de la distance parcourue estimée à partir du chrono. Mais il faut pour cela connaître la force et la direction du vent ; or c'est difficile à bord d'un avion commercial qui vole à près de 1 000 km/h à 13 000 mètres. À cette altitude, les repères classiques de navigation (îles, fleuves, grandes routes, villes, etc.) sont souvent invisibles.
Certes, l'avion victime de « spoofing » n'est pas en danger immédiat mais sa situation reste préoccupante. Interrogés, Airbus et Boeing bottent en touche et renvoient vers les grands fournisseurs de systèmes avioniques de navigation que sont Honeywell et Collins.
https://www.lepoint.fr/high-tech-intern ... p=1&xtcr=1