LE CRASH EN ITALIE RAVIVE LES TENSIONS Air Algérie traverse une zone de turbulences
Les investigations des autorités policières, judiciaires et aériennes italiennes se poursuivaient hier pour déterminer les causes qui ont entraîné le crash de l’avion-cargo Lockheed L-382 d’Air Algérie, à Picenzia, près de Milan. Les enquêteurs italiens ont retrouvé la deuxième boîte noire de l’appareil.
La commission d’enquête diligentée par le ministère est depuis hier sur les lieux du drame. Il est prématuré de se prononcer aujourd’hui sur l’origine de l’accident qui a entraîné la mort des trois membres de l’équipage, d’autant que les investigations ne font que commencer. Il faudra attendre que les boîtes noires, les enregistrements des tours de contrôle et la trajectoire radar de l’appareil livrent leurs secrets. Ce nouvel incident met en exergue, cependant, la “série noire” qui a touché la compagnie nationale ces dernières années. S’il faut reconnaître que le risque zéro en aviation n’existe pas, il y a toutefois, selon les spécialistes, des “indicateurs à prendre en considération”. Cette année, en l’espace de cinq mois, deux autres évènements autres que le crash de Piacenza ont concerné un avion de ligne à Séville et un Hercule en exercice à Alger. Depuis sa création, Air Algérie n’a connu, selon les bases de données des sites spécialisés, que 5 incidents majeurs ayant entraîné mort d’homme. Le premier a eu lieu en avril 1967 à Tamanrasset quand un Douglas DC-4 s’est crashé, entraînant le décès de 39 personnes. Un SE210 Caravelle s’était écrasé, quant à lui, à Biskra en juillet 1969 causant la mort de 37 personnes. En janvier 1979, un avion de la compagnie se crashait à Béchar entraînant le décès de 39 personnes. Le Boeing 737-2D6 s’est écrasé lui à Coventry, en Grande-Bretagne, occasionnant la mort de 5 personnes. L’incident le plus récent et le plus important en termes de pertes humaines est le crash en mars 2003 du Boeing 737-2T4 à Tamanrasset avec à son bord 103 personnes. Le bilan était ce jour-là lourd. 102 passagers avaient trouvé la mort. Il ne s’agit là que des incidents aériens connus et ayant entraîné mort d’homme. Il n’en est pas de même pour tous les petits ou grands “pépins” qui sont passés à la trappe. Les pannes mécaniques ou techniques, les problèmes de moteurs, les trains d’atterrissage bloqués, qui ne font pas la une de l’actualité, mais qui se répercutent sur le planning des vols et le moral des troupes d’Air Algérie. Le crash de Tamanrasset demeure le plus “emblématique”, il a été celui qui a créé le plus de polémique. Les commissions d’enquête de l’aviation civile et du Parlement s’étaient succédé sur place. La conclusion de l’enquête technique avait jeté un froid entre le collectif des travailleurs, les familles des victimes et la direction générale, ainsi que les représentants de l’aviation civile. Et démontré si besoin que la confiance ne régnait plus. “Les commissions ne nous concernent pas. Enquête après enquête, incident après incident, on remet en cause nos qualifications, au lieu de se pencher réellement sur le problème. Celui de la sécurité”, avait précisé un pilote à l’annonce de l’envoi hier d’une commission d’enquête, à Picenzia, diligentée par le ministère des Transports. L’argumentaire développé s’articule également autour “des drames qui ne sont jamais suivis de suites”. Un pilote syndicaliste n’ira pas non plus par quatre chemins à ce sujet. “Nous sommes les premiers concernés, mais nous ne sommes pas associés à l’enquête”, dira-t-il. Après avoir avancé lors de son rapport préliminaire la thèse de la panne de l’un des deux moteurs, la commission d’enquête a affirmé, en septembre 2004, que l’origine du crash était liée à une erreur humaine. L’accident résultait, selon le rapport final de la commission, de “la perte d’un moteur lors d’une phase critique du vol, de l’absence de rentrée de train après la panne moteur et de la prise de commande par le commandant de bord avant d’avoir entièrement identifié la panne”. Cette conclusion n’avait pas convaincu les parents et proches des victimes d’autant que l’origine de la panne n’avait pas été élucidée ce jour-là par les experts. Le fait le plus notable est la dégradation, une nouvelle fois, des relations entre la direction générale et les travailleurs d’Air Algérie. D’autant que le P-DG de la compagnie se mure depuis l’évènement dans un silence de plomb. Hormis quelques communiqués laconiques estampillés par la direction générale, Tayeb Benouis n’a jusqu’à présent pas soufflé mot sur ce qui s’est passé. Il aura fallu l’intervention de Mohamed Maghlaoui pour calmer la colère des pilotes, mais également de tous leurs collègues. Il faut reconnaître que les rapports entre la DG et les différents syndicats sont depuis quelques années “exécrables”. La grogne au sein d’Air Algérie n’étant pas du seul apanage du Syndicat des pilotes de lignes algériens (SPLA). Cette situation vaut également pour tous les représentants des travailleurs de la compagnie tels que le syndicat d’entreprise affilié à l’UGTA, du collectif du Personnel navigant commercial (PNC), ou technique (PNT), le Syndicat national des techniciens de la maintenance aérienne (SNTMA). En mars 2005, le SPLA avait tiré une nouvelle fois la sonnette d’alarme sur la situation. “La sécurité aérienne a atteint un seuil critique”, avaient dénoncé les pilotes syndicalistes. Une guerre de communiqués avait même ponctué, en 2004, le bras de fer entre la direction générale et le syndicat d’entreprise d’Air Algérie sur l’orientation donnée à la compagnie. Les différents représentants syndicaux n’ont eu de cesse de dénoncer ces dernières années la “dégradation” de leurs relations et conditions de travail. L’argument est à chaque fois le même : “Dialogue de sourds…” Air Algérie se retrouve à chaque nouvel incident dans une zone de turbulences.
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