Médias colombiens, association de pilotes, anciens employés : les témoignages sur les possibles lacunes de la compagnie West Caribbean en matière de sécurité affluent depuis le crash d'un de ses appareils au Venezuela, dont aucun occupant (152 Français de la Martinique et huit membres d'équipage colombiens) n'a survécu. De plus en plus soupçonnée, la compagnie colombienne a annoncé mercredi la suspension de ses vols jusqu'à nouvel ordre. Ce qui n'empêche pas la multiplication des questions.
Première question : l'utilisation de l'appareil. Le biréacteur McDonnell Douglas MD-82 qui est tombé mardi près de Maracaïbo avait été loué il y a quatre mois au Panama. L'appareil avait eu au moins trois problèmes ces derniers mois et le jour de l'accident, il avait effectué 11 rotations pendant 20 heures. Cependant, un porte-parole de Boeing a jugé peu probable que cette utilisation intensive soit à l'origine de l'accident. Selon lui, "à partir du moment où l'entretien est effectué correctement, un cycle élevé de décollages et atterrissages en une seule journée ne devrait pas être un problème", et les appareils de la série MD-80 (comme le MD-82) sont prévus pour des liaisons "court et moyen-courrier à forte fréquence".
14 infractions à la sécurité
La deuxième question est donc de savoir si l'entretien était correct. Selon le colonel Eduardo Montealegre, de l'Aviation civile colombienne (DAC), l'avion avait été examiné de fond en comble la veille du crash, en Colombie, par des experts, sans que rien d'anormal ne soit à signaler. De même, à Paris, le ministre français des Transports, Dominique Perben, a déclaré que le MD-82 avait "été contrôlé deux fois" ces derniers mois par les autorités françaises en Martinique, qui n'avaient fait "aucune observation particulière". Pourtant, selon les médias colombiens, West Caribbean avait été dénoncée pour plus de 14 infractions à la sécurité. Elle avait écopé d'une amende de 46.000 dollars en janvier dernier pour plusieurs violations des règles de sécurité, selon la DAC, citant notamment l'insuffisance de la formation donnée aux équipages, un usage incorrect des livres de bord ainsi que des problèmes de maintenance.
L'association des pilotes colombiens a indiqué avoir "à plusieurs reprises" alerté les autorités aéronautiques à propos de la compagnie. Le capitaine Alberto Padilla, président de l'association, a déclaré qu'un grave accident survenu en mars sur un petit appareil Let 410 de West Caribbean lui avait "ouvert les yeux sur le non-respect des normes de sécurité" par la compagnie. Selon lui, "il n'y avait pas d'issues de secours (dans l'avion), et beaucoup de gens sont morts pour cette raison". Le 26 mars, ce Let 410, de fabrication tchèque, s'était écrasé au décollage suite à une panne de moteur et l'accident avait fait 8 morts parmi les 20 occupants de l'appareil. En juillet, la compagnie avait été contrainte de suspendre ses vols, sur injonction des autorités aéronautiques, à la suite de l'enquête sur cet accident.
6 millions de dollars de dette
Troisième question : l'état général de la compagnie. Selon les médias colombiens, West Caribbean, créée en 1998, était au bord de la faillite avec 6 millions de dollars de dette. Le journal colombien El Tiempo, citant d'anciens employés, a indiqué que la compagnie ne payait pas ses pilotes depuis plusieurs mois et les contraignait à des heures supplémentaires en infraction avec la législation colombienne. "Les pilotes travaillaient sans s'arrêter et sous pression", a affirmé El Tiempo, qui a souligné que la compagnie avait payé plusieurs amendes cette année pour avoir dépassé le temps de vol prévu pour ses pilotes.
Fernando Sanclemente, directeur de la DAC, a promis "une enquête exhaustive" tout en assurant que ses services effectuaient des contrôles stricts sur toutes les compagnies colombiennes. Il a tout de même été convoqué d'urgence pour s'expliquer devant le président colombien Alvaro Uribe.
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