Le système métrique se meurt Dans le cadre des restrictions budgétaires conduisant au non remplacement des postes de fonctionnaires, notre vibrionnant Président s’est penché sur le problème de la simplification du système métrique qui oblige à des conversions avec les mesures anglo-saxonnes, système jugé trop contraignant par la Commission constituée pour en débattre, laquelle a décidé qu’à compter de 2014, le système pifométrique y sera substitué.
Unités d'estimation et d'ajustage :Au pif : Unité d'estimation permettant une approximation des grandeurs, des valeurs ou des attitudes : Au pif, ça fait deux kilomètres.
A vue de nez : Unité dérivée de la précédente : A vue de nez, je dirais 30°.
A la louche : Unité définissant à la fois les fromages moulés industriels et une quantité mesurable par excès : A la louche, ça représente une heure trente de vol.
Le cheval près : Unité d'estimation grossière, indiquant que la mesure effectuée eût mérité une plus grande acuité : On n’est pas à un cheval près.
Le poil près : Unité d'estimation fine, le plus souvent par défaut. Son sous-multiple est le quart de poil près : Tu mesures ça sur la carte à un poil près.
La poussière : Unité d'ajustage de haute précision. Compte tenu de son extrême finesse, est toujours utilisée au pluriel pour affiner la mesure grossière d'une grandeur par un système conventionnel : Quinze cents euro et des poussières.
La broutille : Unité moins fine que la poussière. Elle est préconisée lorsque la mesure s’applique à un sujet négligeable : Laisse tomber les broutilles.
Le pouce : Unité d'ajustage indiquant que la mesure d'une grandeur par un système conventionnel est donnée par défaut, et qu'il convient d'y apporter plus de précision si l'on veut être sérieux : deux mètres cubes et le pouce.
Unités de tempsLe bout de temps : Unité de temps classique, employée aussi bien pour le passé que pour l'avenir et qui diffère selon qu’on le génère ou qu’on le subit. Les multiples sont le bon bout de temps et le sacré bout de temps : Ça a duré un bon bout de temps. Le bout de temps est extensible par essence, il n’est jamais compressible.
L'éternité : Unité considérée comme synonyme du bout de temps mais qui ne s'applique que si ce dernier a été ou sera vraiment difficilement supporté : Au taxiway, on a attendu une éternité avant d’être libérés.
L'instant : Unité strictement équivalente au bout de temps et à l'éternité, mais qui accorde à l'intervalle mesuré un préjugé de décontraction, d'aisance et de légèreté : Je vous demande juste un instant.
Le laps de temps : Unité qui tend à se démocratiser. La certitude apaisante qu'elle induit par essence peut être corrigée en lui associant l'adjectif "certain", ce qui, paradoxalement, lui confère une certaine imprécision, voire une imprécision certaine : Ça va demander un certain laps de temps.
Le bail : Unité s'appliquant toujours au temps passé, avec une connotation de longueur regrettable : Ça fait un bail que j’attends.
La paie : Unité équivalente au bail, qui pourrait faire référence à la durée toujours trop longue qui s'écoule entre deux versements de salaire. S'emploie dans les mêmes conditions : Ça fait une paie qu’on t’a pas vu.
La minute : Unité de temps à venir, utilisée pour une mesure a priori. Pour une mesure a posteriori, la minute est qualifiée de coiffeur. Malgré ce que laisse supposer une homonymie aussi fâcheuse que fortuite, cette unité n'a aucun rapport avec la soixantième partie de l’heure. Ses sous-multiples sont la petite minute et la seconde, mais ils n'apportent rien sur le plan de la durée : Je vous demande juste une minute ou : j’en ai pour une seconde et je suis à vous.
L'heure : Unité de temps passé ou à venir, en général difficilement supporté et souvent subjectivement amplifié. Les multiples et sous-multiples, la bonne heure et la petite heure, n'apportent aucune information de durée supplémentaire mais servent à nuancer le degré du désagrément subi : Ça ne demandera qu’une petite heure ou : ça fait une bonne heure que je poireaute. J’ai choisi ces deux exemples car, une petite heure, chez le concessionnaire Renault, c’est au bas mot 85 minutes tandis que l’heure de poireau qui vous est reprochée n’en fait guère plus de quarante.
On pourrait aussi traiter des distances, comme par exemple le
bout d’ chemin, la
trotte, le
petit kilomètre. On notera au passage que s’il existe des « petits kilomètres », il n’en existe pas de grands, ils sont
bons, jamais
grands. Le
bout d’ chemin mérite qu’on s’y arrête. Un
p’tit bout d’ chemin laisse penser qu’il s’effectue à plusieurs alors que le
bon bout d’ chemin annonce une fatigue à surmonter. Le
méchant bout d’ chemin indique un risque d’embûches. Quant au
sacré bout d’ chemin, il donne une idée assez claire de l’infini. Si l’on vous dit que c’est
à deux pas du lieu où vous vous trouvez, remplacez le mot
pas par
pâtés de maisons. Le corollaire est valable pour le vélo :
trois coups de pédale signifie souvent l’autre extrémité de la localité. Lorsqu’on vous dit
à vol d’oiseau, il est prudent de doubler la distance et de la tripler si l’on ajoute que la route serpente. La
portée de fusil, son multiple la
portée de canon et son sous-multiple la
portée de lance-pierres se mesurent à l’oreille tandis que
pas bien loin (qui ne s’oppose pas Ã
tout près), s’apprécie à l’œil. Lorsque vous dites que vous êtes Ã
une demi-heure d’autoroute de votre travail, précisez votre heure de prise de service et si l’on vous donne une distance en ajoutant « environ », majorez carrément de 50 %.
Bonne route.
Inspiré par :
http://www.pifometrie.net/corpus.html