Pertes, endettement élevé…. plusieurs dizaines de sous-traitants aéronautiques français sont au bord de la faillite
Mathieu Simonnet

Selon une étude de la Banque de France, basée sur les résultats financiers de 2023, une quarantaine de grands fournisseurs d’Airbus et de Safran connaissent un risque de défaillance. Une situation préoccupante qui s’explique par de multiples facteurs.

La 15e édition du salon Aeromart se tiendra ce 3 décembre 2024 à Toulouse dans un contexte particulier. L’ombre de la crise que traversent les fournisseurs aéronautiques planera en effet au-dessus de cette convention d’affaires qui réunit quelque 1 200 donneurs d’ordres et sous-traitants. Une étude sur la filière menée par la Banque de France, à la demande du Gifas*, indique en effet qu’une quarantaine de grands sous-traitants aéronautiques se trouvaient, l’an dernier, en grande difficulté financière. Les principaux secteurs touchés sont ceux de l’usinage et de l’aérostructure.

Pour arriver à cette conclusion, l’enquête s’est basée sur les bilans financiers 2023 des quelque 200 entreprises répertoriées. Près de 20 % des équipementiers de l’avionneur Airbus et du motoriste Safran étaient donc, il y a tout juste un an, en risque de défaillance, c’est-à-dire avec une capacité d’autofinancement insuffisante et un niveau d’endettement élevé. Si l’étude se garde bien de donner des noms, elle précise néanmoins que 30 % de ces grands fournisseurs ont, aussi, essuyé des pertes. Une situation alarmante qui doit être sensiblement équivalente aujourd’hui et qui contraste avec la reprise du secteur depuis deux ans. Plusieurs facteurs sont avancés pour expliquer ce décrochage.

Baisse de la productivité, remboursement des prêts…

La crise sanitaire a laissé des traces… Elle a d’abord conduit à une réduction d’environ 20 % des effectifs, principalement de salariés expérimentés. Le secteur a depuis réembauché mais avec des profils moins qualifiés. Conséquence : une perte de productivité de l’ordre de 10 à 15 % dans les segments les plus critiques sur la période 2019-2024 selon le Gifas. Ensuite, le temps de rembourser les prêts garantis par l’État (PGE), octroyés en pleine pandémie, est venu. Ces remboursements interviennent à un moment où la filière doit investir pour tenir les montées en cadence et réduire son empreinte carbone. Il n’est donc pas étonnant de voir des entreprises en situation de surendettement ou avec une trésorerie dans le rouge. Réunies, elles doivent encore 500 millions d’euros à l’État sur les trois prochaines années. Enfin, pendant le Covid, des donneurs d’ordre en ont profité pour renégocier certains contrats à la baisse avec leurs fournisseurs… Des contrats qui sont aujourd’hui, avec l’inflation et la hausse des coûts, très peu rentables.

Des coûts qui s’envolent

Et après la pandémie, la guerre en Ukraine n’a pas arrangé les choses. Avec le renchérissement des matières premières, la flambée de l’énergie, et les hausses de salaires en raison de l’inflation, les coûts de production auraient bondi de 15 à 20 %. Dans l’impossibilité de revoir leur prix à la hausse en raison de contrats trop rigides, les grands sous-traitants aéronautiques voient leurs marges fondre comme neige au soleil.

Vents contraires

Les principaux fournisseurs d’Airbus et de Safran en risque de défaillance travaillent bien souvent aussi pour Boeing. Une difficulté supplémentaire pour arriver à se stabiliser dans ce cisaillement de vent. D’un côté, ils doivent accélérer le rythme pour suivre la montée en cadence imposée, de l’autre, ils doivent temporiser face au trou d’air traversé par la firme américaine depuis le début de l’année. Un double jeu compliqué à gérer en termes d’approvisionnement de pièces et de gestion des stocks.

En proie à de sérieux problèmes financiers, la quarantaine de grands sous-traitants aéronautiques n’est cependant pas forcément sur le point de baisser le rideau. La situation est récupérable, d’autant qu’un nouveau fonds de soutien de 800 millions d’euros arrivera d’ici la fin de l’année. Baptisé "Aéro Partenaires", il doit permettre à la première industrie exportatrice française de reprendre un peu d’altitude.